POINT D'ÉTAPE. Sécurisation du bâti, enquête judiciaire et préservation des éléments restants, comment se porte le chantier de Notre-Dame, plus d'un mois après l'incendie qui a emporté la flèche et la toiture ? Membre de l'équipe de maîtrise d'œuvre, l'architecte en chef des monuments historiques Pascal Prunet a déroulé le récit des travaux d'urgence lors d'une audition au Sénat.

Passé le temps traumatique et des derniers jets d'eau sur l'édifice de Notre-Dame de Paris, plusieurs scientifiques ont été auditionnés par le Sénat et l'Assemblée nationale, sous la houlette de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

 

Entre acteurs du patrimoine et chercheurs étudiant les matériaux qui structurent Notre-Dame, l'architecte en chef des monuments historiques Pascal Prunet venait dresser un bilan d'étape des travaux en cours sur la cathédrale, et des inquiétudes de la maîtrise d'œuvre sur la pérennité d'éléments ou de matériaux qui portent l'édifice.

 

Les voûtes monitorées

 

"Le chantier est actuellement un chantier de mise en sécurité de la cathédrale (…) petit à petit, ces mesures avancent pour la récupération de la stabilité de la structure qui est encore précaire", a synthétisé l'un des quatre architectes en chef des monuments historiques.

 

Cette fragile stabilité est notamment le fait de la dégradation de la voûte, transpercée par la flèche enflammée qui s'est effondrée au cours de l'incendie. Dans sa chute, la pièce de plomb et de bois a "percuté le seul arc-boutant, seul axe transversal reliant les façades nord et sud et relie tout le système depuis les fondations jusqu'aux parties hautes", a précisé Pascal Prunet.

 

"Le problème des pierres est à résoudre très rapidement, il faudra ouvrir des carrières et retrouver des sources d'approvisionnement"

 

Le feu puis l'eau, une double peine pour la structure

 

Livrée au brasier pendant plusieurs heures puis gorgée d'eau puisée dans la Seine, la cathédrale présente de nombreuses "altérations", note le membre de la maîtrise d'œuvre devant scientifiques et sénateurs. Celles-ci touchent en premier lieu les pierres qui habillent les murs et la voûte, qui ont subi "une perte de capacités structurelles portantes ou de transmission de charges". La chaleur et l'eau ont par ailleurs provoqué des "dilatations" et "d'alourdissement" dans ces roches présentant "20 à 25% de porosité", dresse Pascal Prunet.

 

Pour l'heure, les experts demeurent inquiets quant à l'état des pierres, pas seulement pour leur fonction de portage, mais aussi car elles constituent "l'épiderme" de la cathédrale. Arrosées avec de l'eau extraite de la Seine, les roches calcaires auront besoin d'être traitées pour endiguer la prolifération bactérienne.

 

Rouvrir des carrières

 

Les pierres qui tiennent encore seront donc décontaminées, mais celles qui se sont effondrées avec la voûte devront être substituées, a indiqué Pascal Prunet, pour qui la question devra être rapidement solutionnée. "Sachant que le déplaquage des pierres se fait sur 12 centimètres (…) le problème des pierres est à résoudre très rapidement, il faudra ouvrir des carrières et retrouver des sources d'approvisionnement", a-t-il prévenu.

 

Une restauration "plombée"

 

La question avait été quelque peu éludée au lendemain de l'incendie Notre-Dame, mais quelques semaines plus tard, des inquiétudes se confirment sur la couverture disparue de la cathédrale. Cette toiture de plomb, qui a totalement fondu sous les flammes s'est dispersée dans l'édifice et ses différentes parties sous la forme de particules.

 

"Un aérosol est une particule de petite taille de métal, et dans cette condition est hautement inflammable et peut contribuer à des phénomènes d'explosion. Il n'est donc pas impossible que la présence endommagée du plomb durant l'incendie ait aussi contribué au développement de l'incendie", a présumé l'architecte en chef.

 

La veille, lors de la séance plénière de l'Académie des Beaux-Arts consacrée à la restauration de Notre-Dame, l'ancienne directrice du patrimoine Maryvonne de Saint-Pulgent a affirmé que le grand orgue "miraculé" était en réalité couvert de poussières de plomb. L'opération de démontage, de décontamination et de restauration pourrait prendre plusieurs années.

 

Les points d'avancée

 

Pour Pascal Prunet, un nombre non négligeable de travaux a été achevé, participant de la sécurisation de la cathédrale de Notre-Dame de Paris. Parmi eux, "la consolidation des pignons" sévèrement impactés par les flammes, "la consolidation et la dépose des chimères de la tour sud" et le sauvetage des "vitraux hauts du vaisseau".

 

"On finira bien par sortir de toutes ces problématiques. C'est une question de semaines, voire de mois pour terminer cette complexe mise en sécurité"

 

Dans les premiers jours suivant l'incendie, l'architecte a rappelé le "bâchage des voûtes" à l'exception d'une partie de la croisée "gênée par l'énorme échafaudage de la flèche".

 

Pour les arcs-boutants, l'opération d'étaiement est toujours en cours et a nécessité "une conception difficile" pour soutenir à la fois les premiers éléments, mais également les poussées des voutes. Des interventions sont également menées sur le faitage des murs et l'enlèvement des gravats. "On finira bien par sortir de toutes ces problématiques. C'est une question de semaines, voire de mois pour terminer cette complexe mise en sécurité", a affirmé Pascal Prunet.

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