Le procès de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, où 39 personnes ont trouvé la mort dans un gigantesque incendie, le 24 mars 1999, vient de s’ouvrir pour une durée de trois mois. Ce marathon judiciaire devrait notamment faire la lumière sur les défaillances du système de sécurité.

C’est le procès de l’année ! D'un coût évalué à un million d'euros, le procès se déroulera à Bonneville mais le palais de justice étant trop petit, il se tiendra dans une salle des fêtes, d'une capacité de 425 places. Les débats pourront également être suivis en direct, par un système de vidéotransmission, dans des pièces voisines prévues pour les parties civiles et les journalistes. Une centaine de médias de sept nationalités ont été accrédités.

Seize personnes physiques et morales comparaîtront pour "homicides involontaires par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité", dont le constructeur de camion Volvo, la société d'exploitation italienne de l'ouvrage (SITMB) et la société française d'exploitation du tunnel (ATMB).
Plus de 200 personnes de neuf nationalités se sont constituées parties civiles. Cent soixante témoins et vingt experts devraient être entendus au cours de ce procès hors norme, prévu pour durer trois mois. Parmi eux, l'ancien Premier ministre Edouard Balladur, qui présida la société française d'exploitation du tunnel du Mont-Blanc.
En raison de la dimension internationale du procès, l'audience, qui sera présidée par le président du TGI de Bonneville, Renaud Le Breton de Vannoise, sera traduite en trois langues (anglais, italien, allemand).
Juste avant l'audience, la société d'exploitation italienne de l'ouvrage, la SITMB, l'une des personnes morales poursuivies, a annoncé qu'elle consentait après un accord amiable à verser 13,5 millions d'euros à l'association des familles de victimes. Cette décision ne la met cependant pas à l'abri de la sanction pénale prévue par la loi pour les personnes morales - 45.000 euros d'amende, une interdiction de ses activités ou un placement sous surveillance judiciaire.

Le dossier est extrêmement complexe car il fait état d’une incroyable succession d’erreur en chaîne allant d’un possible défaut de conception sur le camion à l’origine de l’incendie jusqu’à l’erreur du régulateur italien qui a placé la gaine d’extraction en position de soufflage maximum, alimentant le foyer en oxygène poussant le bouchon de fumée vers les pompiers du côté français.
Le système de sécurité sera également sur le banc des accusés. Contrairement à la plupart des grands tunnels, celui du Mont-Blanc ne disposait pas d’un véritable système de gestion technique centralisée (GTC), malgré le fait qu’un audit en ait préconisé l’installation 10 ans avant le drame. Ce système aurait permis d’actionner les feux rouges à l’intérieur du tunnel et empêcher les véhicules de poursuivre la route pour se retrouver pare-chocs contre pare-chocs.
Par ailleurs, la plupart des installations de sécurité étaient obsolètes. Juste à l’endroit où les camions étaient en panne, les capteurs d’incendie étaient en panne depuis la veille. Une autre panne, d’un ventilateur cette fois, amputait la capacité d’extraction d’un tiers. Plus grave, les installations française et italienne de ventilation n’étaient même pas couplées, illustrant les relations aberrantes entre les deux sociétés.
En 34 ans, seulement deux exercices de lutte contre un incendie ont été effectués. Ils avaient montré à chaque fois des problèmes liés au désenfumage, mais les travaux de modernisation étaient certainement jugés trop coûteux. Pourtant, le tunnel affichait une excellente rentabilité. En France, le bénéfice représentait près d’un tiers du chiffre d’affaires.

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