ÉCHANGES. La Fondation Concorde et le Medef ont organisé ce mercredi 20 juin un colloque sur le développement économique des territoires au siège parisien de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP). Les intervenants ont notamment insisté sur la nécessaire transversalité des acteurs et des secteurs d'activité pour améliorer l'attractivité des territoires et dynamiser le marché de l'emploi.

La Fondation Concorde, un groupe de réflexion indépendant fondé en 1997 et rassemblant universitaires et chefs d'entreprises, ainsi que le Medef, ont organisé ce mercredi 20 juin un colloque sur le développement économique des territoires au siège parisien de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP). La problématique centrale de ces échanges était l'équilibre, et même l'interdépendance pouvant exister entre entreprises et territoires, terme désignant les régions rurales et péri-urbaines. Quels services, quels bons procédés peuvent-ils se rendre réciproquement ? Nombre de sujets ont été abordés au cours de cette matinale, certains revenant régulièrement sur la table, à l'instar de la complexité administrative et normative typique à l'Hexagone, du problème de la densité des industries - et donc de la désindustrialisation, ou encore de la fiscalité qui découragerait les entrepreneurs français, en comparaison à leurs homologues hollandais ou irlandais.

 


Il est intéressant de commencer par le constat de Philippe Ansel, chef économiste de la Fondation Concorde : "La France est aujourd'hui l'un des pays d'Europe les moins industrialisés. La consommation de biens manufacturés des ménages français a bondi de 60% par rapport aux années 2000, alors que dans le même temps, la production hexagonale de ces biens manufacturés a stagné depuis les années 2000." Et, toujours selon Philippe Ansel, "la relance économique par la dépense publique est arrivée à bout de souffle". C'est à ce moment que le rôle économique et social des entreprises entre en scène.

 

Un "devoir d'alliance" entre les acteurs économiques et sociaux

 

Bruno Cavagné, président de la FNTP, a d'abord rappelé l'importance pour les territoires - urbains comme ruraux - de disposer d'infrastructures de qualité permettant, notamment, une meilleure connexion aux principaux axes de communication et d'échanges, et améliorant par extension la productivité des entreprises. Pour rappel, la FNTP mène depuis la campagne présidentielle de 2017 sa propre sensibilisation à l'impératif de «réinvestissement» public comme privé dans ces infrastructures qui ont fait la fierté et la notoriété de la France, mais qui la font décrocher dans plusieurs classements internationaux depuis quelques années en raison de leur progressive dégradation. Charles-Benoît Heidsieck, président de l'association Le Rameau (organisation se présentant comme un laboratoire d'innovations partenariales), a enchaîné en soulignant le "devoir d'alliance" qui existe aujourd'hui entre les différents acteurs économiques et sociaux, à savoir les entreprises, associations, collectivités territoriales et représentants de la société civile.

 

Une idée abondée par les propos de François Rouvier, directeur «social business» de Renault, qui pour sa part a attiré l'attention sur l'intérêt de "faire de la R&D [Recherche & Développement] patronale", autrement dit chercher à faire émerger puis à consolider des modèles de coopération territoriale, entre tous les types de structures précédemment cités. "Les grandes entreprises ont un rôle à jouer pour dynamiser l'emploi, faire baisser le chômage, lutter contre la pauvreté et accroître la mobilité des hommes", a ajouté François Rouvier. L'idée serait donc de créer des solutions de co-construction, non seulement pour favoriser la préservation des emplois ou le retour sur le marché du travail, mais également pour désenclaver des régions rurales ou développer des énergies propres.

 

Les politiques publiques responsables de la désertification rurale ?

 

Nombre d'intervenants de ce colloque ont toutefois taclé la puissance publique. Eric Michoux, président du groupe Galilé (spécialisé dans l'industrie, l'énergie et la manutention), n'y est pas allé par quatre chemins : "Les pouvoirs publics ont abandonné la ruralité. Et je ne pense pas que le phénomène de métropolisation auquel on assiste depuis quelques temps améliore les choses ; je pense même qu'il est néfaste pour les territoires, qui perdent ainsi leur identité." La politique d'aménagement du territoire a été jugée souvent chaotique, avec en ligne de mire l'exemple parlant des zones commerciales périphériques qui ont contribué à déshumaniser les villes et à tuer les petits commerces de proximité.

 

Le système administratif français, qualifié de trop complexe, engendrerait des normes jugées trop souvent «parisiennes», et finalement inadaptées au moment de leur application dans le reste du pays. C'est pourquoi il a été proposé, durant ce colloque, d'accorder un pouvoir de réadaptation des normes aux préfets, en fonction des résultats des expérimentations menées dans les régions. Au final, le fil rouge de ces échanges était donc d'inciter l'ensemble des acteurs à collaborer et à instaurer davantage de transversalité entre eux, mais aussi entre les secteurs d'activité. En gardant néanmoins à l'esprit qu'un même modèle de coopération ne peut pas fonctionner partout, et pour tout le monde.


L'accompagnement numérique et l'ingénierie territoriale

 

En conclusion du colloque, les députés LREM Jean-François Cesarini (Vaucluse) et Guillaume Vuilletet (Val-d'Oise) ont rappelé que la future Agence de la cohésion des territoires portée par le gouvernement, avait notamment comme objectif de s'attaquer à ces problèmes d'aménagement du territoire. Certains parlent même d'un rôle d'ingénierie territoriale confiée à cette nouvelle structure... dont les détracteurs regrettent déjà qu'elle ne fera que s'empiler dans le millefeuille administratif déjà existant, et que son caractère risque d'être trop bureaucratique.

 

Quoi qu'il en soit, les acteurs présents à cette matinale ont souligné à plusieurs reprises l'importance pour les territoires de disposer de logements, d'infrastructures et de moyens de transports, rappelant une nouvelle fois l'importance du BTP dans la redynamisation des régions rurales et péri-urbaines. Pour achever le propos du colloque, le président du Medef, Pierre Gattaz, a énoncé, sur la base des orientations générales publiées par le patronat ce mois-ci (voir encadré), les mesures à adopter par les acteurs publics et privés : "Il faut opérer une simplification administrative et normative, et baisser la fiscalité pesant sur les entreprises. De plus, en contrôlant la dépense publique et en organisant la transversalité des acteurs économiques, nous pouvons accroître l'attractivité de nos territoires. Car il nous faut continuer à faciliter les projets et à susciter les vocations d'entrepreneurs."

 

Les orientations générales du Medef axées sur le développement économique des territoires

 

Dans un rapport publié en juin 2018, le patronat propose plusieurs pistes pour redynamiser les régions françaises :

 

- réaliser le diagnostic de son territoire
- bâtir des stratégies territoriales sur la base de ce diagnostic et en associant tous les acteurs
- poursuivre la réforme de l'organisation territoriale initiée par la loi Notre (Nouvelle organisation territoriale de la République)
- raisonner en « territoires de projets » plutôt qu'en périmètres administratifs, de manière à privilégier la souplesse et la contractualisation
- instituer un mécanisme de plafonnement de l'imposition locale à la charge des entreprises
- créer un dispositif unique d'exonérations fiscales et sociales d'ampleur, applicable dans les zones prioritaires
- assurer la modernisation des infrastructures de réseaux dans tout le pays, en mobilisant financements européens et privés
- mobiliser les actifs du territoire vers les besoins des entreprises
- miser sur l'entrepreneuriat pour soutenir le développement économique des régions
- construire un maillage de biens et services publics/privés rendant le territoire attractif
- co-construire des partenariats et des alliances privées/publiques
- instaurer un droit à l'expérimentation partenariale

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