Des outils de gestion inefficaces, des crédits surdimensionnés, des effets d'affichage primant sur les réalisations concrètes... Dans un rapport intitulé " ADEME : la grande illusion ", le sénateur Philippe Adnot dénonce certaines pratiques en vigueur au sein de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. A l'heure où ce bras armé du gouvernement en matière d'environnement est au coeur de l'actualité de la construction avec la mise en place de la Réglementation Technique 2000, il nous a semblé intéressant d'en savoir plus.

Baticactu.com : Qu'est ce qui vous a conduit à vous intéresser à la gestion et au mode de fonctionnement de l'Ademe ?

Philippe Adnot : Au sein de la commission des Finances du Sénat, je suis rapporteur du budget de l'environnement. En 1998-1999, j'ai constaté un double mouvement : au 1er janvier 1999, l'Ademe a connu un bouleversement majeur dans son mode de financement en passant d'un régime de taxe affectée à des subventions d'origine budgétaire et donc votées par le Parlement. De plus, quelques mois plus tard, l'Ademe a brutalement décidé de modifier à la baisse son barème d'aides aux collectivités locales dans le domaine des installations de déchets. Ces deux événements m'ont décidé à mener une mission de contrôle sur l'Ademe.

Batiactu.com : Pourtant la budgétisation des recettes de l'Ademe peut apparaître comme une bonne décision ?

Philippe Adnot : C'est une bonne décision mais sa mise en oeuvre est extrêmement contestable. En effet, si cette décision a permis de confier la tutelle de l'agence à un seul ministère, celui de l'Environnement, elle a surtout été l'occasion de donner des gages à un ministère représentatif de l'une des composantes de la " majorité plurielle " en lui permettant d'afficher une progression très forte de son budget annuel. Je m'explique : avec la création de la TGAP, les taxes auparavant affectées à l'Ademe ont été regroupées - et même augmentées ? pour être ensuite versées au budget général de l'Etat. Bien sûr, dans le même temps, la loi de finances instaurait de nouvelles subventions à l'Ademe afin de compenser la perte de ses recettes. Aujourd'hui, on constate que le produit de ces taxes augmente chaque année alors que la subvention à l'Ademe suit d'autres logiques. Il est clair que l'évolution de financement de l'Ademe a été dicté par un arbitrage politique entre ministère. Une partie du produit de la TGAP a été utilisé pour financer les 35 heures et en échange, par affichage politique, le ministère de l'Environnement a obtenu le contrôle de l'agence ainsi q'une dotation budgétaire importante, voire excessive au regard des besoins réels.

Batiactu.com : Qu'entendez-vous par là ?

Philippe Adnot : Les crédits demandés pour l'Ademe - au titre du budget de l'environnement en 1999 et en 2000 - ont été largement sur-dimensionnés. En 2000, sur les 2,7 milliards de francs de crédits disponibles, seuls 510 millions de francs (soit moins de 20%) ont été délégués à l'Ademe. Un peu plus de deux milliards de francs ont donc été reportés sur 2001 à l'issue de l'exercice 2000 : c'est tout à fait considérable . Pour moi, cette sous-consommation chronique s'apparente davantage à une tentative d'habillage budgétaire. En matière de politique environnementale, il semble que les effets d'affichage aient primé sur les réalisations concrètes.

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