Des dizaines de bâtiments qui sont écroulés comme des châteaux de cartes lors du séisme de mercredi auraient pu résister s'ils avaient été construits dans les règles de l'art. Mais pour répondre à la frénésie immobilière s'est emparé des banlieues côtières de la capitale, de nombreuses habitations ont été bâties au mépris de toutes les normes techniques.

Cette frénésie a engendré "une nouvelle race d'entrepreneurs sans moyen et sans savoir-faire, et dont le seul souci est d'arnaquer les nouveaux riches qui ont fait fortune avec le trabendo (contrebande)", a expliqué à l'AFP un jeune ingénieur en génie civil, Salim Aoudia.

Des maçons équipés sommairement se sont ainsi improvisés entrepreneurs et ont obtenu des "marchés" auprès de commerçants "qui ont su profiter, sans peiner, de l'anarchie engendrée par la libéralisation sauvage du commerce extérieur". Et "pressés de se mettre au diapason de tous les nouveaux riches, ces commerçants se sont tournés vers les faux entrepreneurs, sans jamais que leurs relations soient authentifiés par un contrat", ajoute-t-il.
Le résultat, explique cet ingénieur, "ce sont des habitations bâties au mépris de toutes les normes techniques, avec des fraudes énormes sur le dosage de béton et d'acier".

A Bordj-el-Bahri et Alger-Plage, on peut constater que des piliers ont été cisaillés faisant s'aplatir, parfois sous leurs occupants, des maisons de trois ou quatre étages. De leurs ruines, peuvent jaillir des mosaïques, signes de façades clinquantes. "C'est en fait bâti sur du sable", résume M. Aoudia.

Amine B., architecte, partage ce constat. Il veut bien admettre qu'il y a une part d'"inconscience" du citoyen. Mais "que pèse son inconscience par rapport à l'incurie et à l'incompétence des pouvoirs publics'", s'interroge-t-il.
"Tout cela était prévisible. C'est le produit de la négligence de l'Etat qui n'a pas de politique d'aménagement du territoire. La capitale ne dispose pas d'agence d'urbanisme. A Bordj-el-Bahri, il n'y a pas de plan d'occupation du sol, pas de plan d'aménagement urbain", accuse-t-il.

La plupart des maisons détruites dans ce quartier, ont été érigées "sur les rives d'un oued, dans une zone non-constructible. Il y a, en plus, une telle concentration que pas même un véhicule ne peut passer, ce qui complique l'intervention des secouristes quand survient une catastrophe", accuse encore l'architecte dénonçant, au passage, le pouvoir "omnipotent" des hommes politiques "qui refusent d'entendre les techniciens".

Incapables de construire des logements sociaux en nombre suffisant, les autorités algériennes, soucieuses "d'acheter la paix sociale", contournent cette demande par l'attribution de terrains cédés à des prix symboliques, explique de son côté Saïd, un ingénieur en travaux publics.

Cette pratique donne lieu à d'importants trafics. Les terrains situés dans des lotissements non-viabilisés sont parfois attribués sous des prête-noms à des responsables qui les rétrocèdent à des prix beaucoup plus élevés.

Mais lorsque le bénéficiaire ne possède pas de revenus lui permettant de construire, il "peut se contenter d'élever une masure qu'il ne finira jamais".
Il est imité dans son attitude par les nouveaux riches, "a la différence que leurs maisons, sont plus grandes sans être moins grossières".
Au final, Alger la Blanche se trouve cernée de lotissements défiant toute esthétique - et toute sécurité- conclut amèrement Saïd.

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