URBANISME. Avec leur guide "La rue commune", Franck Boutté et Richez Associés proposent aux collectivités une méthode pour rendre la rue et l'espace public "vivables" en 2050, si ce n'est "désirables". L'idée : "permettre un passage à l'acte rapide et efficace, partout en France", en encourageant l'expérimentation.

L'idée est venue d'un appel à communs, lancé par l'Ademe en 2021. Proposer un guide méthodologique pour transformer la rue telle qu'on la connaît partout en France, bitumée et dédiée principalement à la voiture, en un espace permettant aux citoyens de se le réapproprier, mais surtout, en un espace qui reste vivable à horizon 2050, à l'heure du réchauffement climatique.

 

Franck Boutté Consultants, Richez Associés et Léonard (plateforme de prospective du groupe Vinci) livrent, le 29 mars, un document de 400 pages proposant "une méthode permettant d'établir un diagnostic des vulnérabilités et potentiels de la rue, puis de passer à l'action pour réorganiser l'espace public, encourager l'expérimentation de nouveaux usages de la rue, rafraîchir les villes".

 

 

A quoi ressemble la rue commune transformée ?

 

Après avoir recueilli notamment de nombreuses contributions lors d'un cycle de concertation du grand public, les architectes, paysagistes, urbanistes et autres penseurs de la ville du groupement ont établit les grands enjeux pour adapter l'espace public. Mobilité, place de la nature, partage des usages… Il ne s'agit pas, affirme Franck Boutté, Grand Prix de l'urbanisme 2022, de plaquer des solutions toutes faites à tous les projets, mais de donner aux élus les outils pour réussir la transition.

 

A quoi ressemble la rue commune transformée ? Elle a, avant tout, "un plan unique de façade à façade, sans trottoirs, pour moins marquer la séparation des usages et permettre leur porosité, leur évolution", explique l'urbaniste. Une légère inclinaison permet la circulation de l'eau. Elle est évidemment perméable au maximum et dotée d'une végétalisation multistrate, afin d'apporter le plus de fraîcheur possible dans les fortes chaleurs attendues au milieu du siècle.

 

Réduire la place de la voiture, surtout celle qui stationne

 

Mais surtout, la rue commune, celle qui permet une réappropriation par tous de l'espace public, est une voirie sans stationnement de voitures. C'est, en effet, "le véritable fléau" que nous a légué le XXe siècle. Les véhicules motorisés, explique Franck Boutté, "occupent une part immense de l'espaces de nos villes", pour une part modale des déplacements assez réduite dans les centres des métropoles.

 

Pour autant, il ne s'agit pas de les bannir ; la rue commune, en effet, n'est pas une simple rue piétonne. Les véhicules à moteur sont bienvenus, mais "ils doivent être urbano-compatibles, donc adaptés à la vitesse du piéton". "La vitesse de référence est celle du piéton, soit 5 à 10km/h", poursuit l'urbaniste. La coexistence des usages est, par ailleurs, clé dans la réussite de la rue commune.

 

"Toutes les rues ne peuvent pas devenir des rues communes"

 

Ces quelques éléments offrent un "socle minimum", "ensuite chaque rue commune aura sa spécificité", explique Franck Boutté, qui insiste sur le fait que "c'est un guide pour faire des projets, ce n'est pas un projet" : la publication offre aux décideurs une méthode pour expérimenter et affiner l'aménagement dans le temps.

 

Pour autant, "toutes les rues ne peuvent pas devenir des rues communes". En effet, plusieurs conditions s'imposent : il faut notamment que ce soient des axes de circulation de niveau secondaire, pour pouvoir réduire drastiquement la vitesse. Il faut que les transports en commun soient proches, si l'on veut que les gens se passent de la leur véhicule individuel. Enfin, "il faut que la collectivité ait les moyens d'agir sur cette rue", car débitumer coûte cher.

 

"Comme pour les bâtiments, 80% des espaces publics de 2050 existent déjà", rappelle le Grand Prix de l'urbanisme. Et, "pas plus que les bâtiments, ils ne sont adaptés aux changements climatiques". Or, "la rue est un levier beaucoup plus fort d'adaptation de la ville, et le périmètre d'intervention est incroyable".

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