QUESTIONS-REPONSES. Les chantiers vont-ils reprendre à la suite d'un accord trouvé ce week-end entre les pouvoirs publics et les fédérations professionnelles du bâtiment ? Le point après plusieurs journées chaotiques où se sont enchaînées des annonces semblant parfois, contradictoires.

Difficile de dire aujourd'hui quelle est la part des entreprises de BTP toujours en activité. Alors que circule le chiffre de 80% d'établissements fermés dans le bâtiment, la situation ne semble toujours pas clarifiée en ce qui concerne un éventuel redémarrage des chantiers, et si oui, lesquels. Un document établissant des préconisations sanitaires, réalisé sous l'égide de l'Organisme professionnel de prévention du BTP (OPPBTP), actuellement en cours de validation par les ministères, possiblement disponible dès le mardi 24 mars, est censé apporter un premier éclairage sur la situation. Et ce guide ne sera pas uniquement important pour savoir quels sont les chantiers à relancer dans les jours à venir. Il sera aussi utile lorsque les mesures de confinement seront progressivement levées, d'ici plusieurs semaines, et que l'activité pourra reprendre tout en respectant toujours les mesures évitant la propagation du virus. C'est ce que le président de la Fédération française du bâtiment, Jacques Chanut, a rappelé le 22 mars, interrogé par RMC. Tour d'horizon des questions que peuvent se poser aujourd'hui les professionnels de la construction.

 

Est-il question de faire repartir tous les chantiers immédiatement ?

 

La réponse est clairement non. "L'accord qui vient d'être passé ne permettra pas de reprendre les chantiers dès cette semaine", a d'ailleurs assuré Jacques Chanut. L'idée est surtout de prendre le temps de produire des règles sanitaires simples pour évaluer la situation. "Il est hors de question de mettre le moindre ouvrier en situation de danger. Nous sommes donc en train de distinguer les tâches qui peuvent être réalisées de celles qui ne peuvent pas l'être." Si certains travaux ne sont pas réalisables en sécurité, ils ne seront pas faits et l'entreprise de construction sera éligible au chômage partiel, ainsi que l'a à nouveau confirmé les pouvoirs publics aux acteurs. Tout cela est d'ailleurs très hypothétique, puisque de possibles évolutions de la situation sanitaire (comme des mesures de confinement renforcées) viendraient probablement interdire la tenue de chantier et le déplacement de salariés - mis à part les travaux d'urgence de type dépannage, qui resteront toujours indispensables.

 

Le guide sanitaire pour les chantiers devrait paraître ce mardi 24 mars.

 


La maîtrise d'œuvre prudente à l'idée de reprendre les chantiers

 

Après le Conseil national de l'ordre des architectes et l'Union des syndicats français d'architectes (Unsfa), qui ont contesté l'idée d'une reprise sans discernement des chantiers il y a quelques jours, d'autres acteurs de la maîtrise d'œuvre ont pris leur plume. Ainsi, dans un communiqué de presse du 23 mars signé par le Cinov, Syntec ingénierie et l'Union nationale des géomètres-experts, on peut lire que "la priorité doit être donnée à la mise en place de toutes les mesures nécessaires à la sécurité sanitaires des salariés", "notamment à la mise à disposition d'équipements - dont masques qui, on le sait font cruellement défaut". Les signataires rappellent d'ailleurs que "les chefs d'entreprises demeurent pénalement responsables en cas de mise en danger de leurs salariés".

 

Pour autant, les trois organismes ne se déclarent pas opposés à la reprise des activités, "lorsque cela est possible" ; et demandent instamment, de la même manière que les architectes, à être impliqués dans les discussions autour du fameux guide de bonnes pratiques. "Nos entreprises se tiennent prêtes à soutenir l'activité qui peut encore l'être, notamment les chantiers nécessaires à la poursuite des activités essentielles de la nation. Elles sauront faire preuve de réactivité en fonction de l'évolution de la situation."

 

Les masques sont-ils disponibles en assez grand nombre ?

 

Évidemment non, et c'est l'un des problèmes principaux empêchant certains chantiers de reprendre. Car de nombreuses activités du secteur, pour être pratiquées dans de bonnes conditions, nécessitent le port d'un masque. Ces tâches sont notamment les suivantes : travaux de sciage, meulage, exposition à des solvants et des fumées, émanations de certaines peintures, exposition au plomb... Or, ces dernières semaines, les masques sont surtout nécessaires en milieu hospitalier. Il est ainsi possible que certaines tâches soient tout simplement irréalisables en ce moment, en l'absence de masques, sans même avoir besoin de mettre dans la balance les risques liés à une infection au covid-19. "Si l'on va dans une pharmacie et que l'on demande des masques, nous ne les aurons pas", a ainsi indiqué Patrick Liébus, président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), interviewé par France inter le 23 mars.

 

Une pétition pour stopper les chantiers a récolté près de 30.000 signatures
Une pétition demandant l'arrêt des chantiers a récolté près de 30.000 signataires ces derniers jours. "Nous demandons au gouvernement de décréter l'arrêt temporaire des chantiers de bâtiment, à l'exception des travaux urgents et des dépannages, pour protéger la santé des travailleurs et des clients, tout en préservant la responsabilité des chefs d'entreprise", peut-on notamment lire dans le texte introductif.

 

Une entreprise pourra-t-elle fermer et profiter du dispositif exceptionnel de chômage partiel ?

 

Comme confirmé à plusieurs reprises ces derniers jours par les pouvoirs publics, oui, toutes les entreprises du BTP sont éligibles au système exceptionnel d'activité partielle. Ainsi, un chef d'entreprise peut décider en son âme et conscience que les conditions sanitaires ne sont pas réunies pour continuer un ou plusieurs de ses chantiers, et cesser provisoirement son activité, en mettant une partie ou la totalité de ses équipes au chômage partiel. "Il faut raison garder : il existe des bonnes pratiques de prévention qui permettent de continuer à travailler sans risque d'attraper le virus, que l'on peut mettre en œuvre sur certains chantiers", analyse Jacques Chanut.

 

 

Le président de la FFB invite toutefois le Gouvernement à améliorer la rapidité de réponse. "Si l'on doit attendre deux mois pour l'accord de paiement, puis trois mois pour le paiement effectif, on sera tous en liquidation", formule-t-il. "Et, par exemple, quand vous n'avez jamais eu recours au chômage partiel, vous devez d'abord faire une demande de numéro d'agrément. Dans mon entreprise, j'ai fait cette demande il y a une semaine, et je n'ai toujours pas eu de retour... Sans numéro, je ne peux pas faire ma déclaration."

 

Y a-t-il des chantiers sur lesquels l'activité est plus à même de redémarrer ?

 

Hormis les chantiers de dépannage d'urgence, qui devraient être maintenus quoi qu'il arrive, certains chantiers seront plus faciles à effectuer dans le respect des conditions sanitaires que d'autres. C'est par exemple le cas de ceux qui se font en milieu isolé, et où il n'y a pas de co-activité. Car l'intervention de diverses entreprises et la présence de nombreuses personnes au même moment sur un chantier entraîneraient une myriades de problématiques : "Comment les salariés se rendent en sécurité sur le chantier ? Comment font-ils pour se croiser dans l'escalier ?", énumère Jacques Chanut. D'autant plus qu'il serait impossible d'être derrière chaque compagnon pour s'assurer qu'il respecte systématiquement la fameuse distance de sécurité d'un mètre par rapport à ses collègues...

 

Un autre type de chantiers pose problème, ceux qui ont lieu chez les particuliers. "Ils sont confinés, et certains nous ont déjà avertis et n'acceptent pas que l'on vienne chez eux", témoigne Patrick Liébus. Et selon l'artisan, même si l'on pouvait pénétrer dans le logis, difficile de respecter les conditions sanitaires : "Lorsque l'on intervient chez les particuliers, on est très proche des personnes, on les croise, on touche des objets, dans une seule petite pièce comme une cuisine ou une salle de bains..."

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