ÉTUDE. Les entreprises du BTP affichent une amélioration de leur rentabilité mais un amenuisement de leur trésorerie, d'après l'étude 2019 de BTP Banque réalisée sur la période 2008-2018. Le coût de la main-d'œuvre diminue pour sa part, tandis que les délais de paiement clients demeurent très importants. La présidente du directoire de BTP Banque, Sylvie Loire-Fabre, commente ces résultats pour Batiactu.

Si certains indicateurs repassent au vert, d'autres commencent à poindre vers le rouge. Dans son étude annuelle, l'établissement BTP Banque, filiale du Crédit Coopératif, s'est intéressé à la santé financière des entreprises du bâtiment et des travaux publics sur la période allant de 2008 à 2018, en interrogeant environ 4.000 sociétés de gros-oeuvre, de second oeuvre et de travaux publics. Et l'édition 2019 de cette étude montre certes une progression de leur rentabilité, mais aussi un amenuisement de leur trésorerie. "La productivité, si elle est encore en hausse en 2018 - et ce depuis 2016 -, ne s'accompagne pas pour autant d'une amélioration des marges, ce qui peut s'expliquer par un niveau de prix qui reste trop bas et le coût des matières premières qui continue à augmenter", commente pour Batiactu la présidente du directoire de BTP Banque, Sylvie Loire-Fabre. "Le taux de valeur ajoutée est en baisse sur tous les corps d'état alors même que la productivité continue à augmenter en 2018. La rentabilité nette est en progression et la part d'entreprises en perte est en chute, deux éléments très positifs. Mais, paradoxalement, bien que la rentabilité soit en hausse, cela ne se traduit pas par une augmentation de la trésorerie. D'après les bilans des entreprises arrêtés au 31 décembre, la trésorerie nette est en baisse en 2018."

 

 

"Nous constatons cependant en 2019 moins de recours aux concours de trésorerie court-terme pour financer le poste clients. Selon les professionnels, c'est grâce aux effets du CICE et à la baisse des charges. Notre supposition, c'est que les entreprises ont peut-être également capitalisé leurs résultats, augmenté leurs fonds propres et ainsi gagné en autonomie par rapport aux banques."

 

L'augmentation du prix des matières premières et une activité sous tension dans certaines régions, et qui engendre de fait une concurrence virulente, sont les principales difficultés

 

Dans le détail des chiffres et des enseignements de son étude, l'établissement bancaire a calculé que la valeur ajoutée des entreprises du BTP demeure bien en-dessous du niveau enregistré en 2008. L'augmentation du prix des matières premières et une activité sous tension dans certaines régions, et qui engendre de fait une concurrence virulente entre les sociétés du secteur, constituent les principales difficultés. Pour BTP Banque, la baisse de ce taux de valeur ajoutée est déjà un signal d'alerte en soi, qu'il convient de surveiller à l'avenir. En effet, si la diminution de cet indicateur se poursuit, les frais de fonctionnement ne pourront plus être couverts, et les entreprises pourraient avoir du mal à atteindre leur point d'équilibre et à générer des bénéfices.

 

 

Autre indicateur en baisse en 2018, celui du coût des charges de personnels par rapport à la valeur ajoutée. Ce coût de la main-d'oeuvre représentait environ 84% de la valeur ajoutée pour l'activité gros-oeuvre (contre 86% en 2017) et 80% pour l'activité travaux publics (contre 81% en 2017). A noter : les effectifs externes aux entreprises étaient en hausse sur l'année 2018, particulièrement sur le segment du gros-oeuvre. Quant aux délais de paiement clients, ils demeuraient "toujours trop élevés" l'année dernière : 87 jours dans le gros-oeuvre, 91 jours dans le second œuvre et 93 jours dans les travaux publics. "Les délais clients sont toujours supérieurs au niveau observé en 2008", confirme la présidente du directoire de BTP Banque. "Il faut noter que les clients publics contribuent négativement à alourdir les postes clients, mais cette situation a toujours existé, du fait de délais administratifs très longs et de process extrêmement stricts chez les acteurs publics. En parallèle, les délais fournisseurs sont en recul et inférieurs quant à eux au niveau de 2008. C'est pénalisant pour les entreprises, qui doivent payer plus vite qu'elles ne sont elles-mêmes payées par leurs clients."

 

"Les chiffres du bâtiment en 2019 seront meilleurs que ceux initialement prévus, grâce notamment à la bonne tenue du crédit bancaire dans des conditions de taux très favorables. Pour les travaux publics, le rythme d'activité est toujours très dynamique grâce au contexte porteur du cycle électoral. Ainsi, le taux de croissance pour 2019 devrait s'établir au-dessus de 10%."

 

Des menaces qui appellent à la prudence

 

Du côté des bonnes nouvelles, BTP Banque note un redressement de la rentabilité des sociétés du secteur depuis 2016. Un retournement de situation d'autant plus appréciable que la part des entreprises en perte avait augmenté de façon exponentielle entre 2013 et 2016. Cette amélioration est surtout flagrante sur le segment du gros-oeuvre, qui représentait 17,6% en 2016 et seulement 10,3% en 2018. Pour le reste, les structures en situation de perte se chiffrent à 12% pour les travaux publics et 13,1% pour le second œuvre. Pour la présidente du directoire de BTP Banque, "le nombre d'entreprises en perte peut être considéré comme un indicateur avancé des défaillances d'entreprises. On constate dans cette étude que la baisse de ce nombre est très marquée dans le gros-œuvre en 2018, mais moins sensible pour le second-œuvre - secteur où il y a généralement le plus de procédures collectives - et les travaux publics."

 

S'agissant des perspectives, la filiale du Crédit Coopératif appelle à la prudence, en énumérant différents dossiers actuellement sur la table : "La menace d'un durcissement des règles prudentielles s'appliquant aux établissements de crédit ; la suppression, dès le 1er janvier 2020, du PTZ dans le neuf en zones B2 et C, ou encore la suppression du gazole non-routier." Des décisions conjoncturelles qui pourraient bien aggraver une fragilité structurelle déjà bien présente : "Au sein de BTP Banque, outre l'amélioration de la trésorerie de nos clients en 2019, nous observons une belle activité de cautionnement - en lien avec les marchés confiés à des entreprises - et beaucoup de besoins de crédits accordés pour des projets : achats de matériels, investissements immobiliers… ce qui peut traduire une certaine confiance dans l'avenir. Néanmoins, le secteur reste cependant inquiet pour l'échéance 2021-2022, donc il faut rester vigilant", prévient Sylvie Loire-Fabre.

 

Quel est le niveau de créations de richesses par les entreprises du BTP ?

 

 

- Sur le segment du gros-oeuvre, le taux de création de richesses économiques (valeur ajoutée / chiffre d'affaires) des entreprises s'élevait à 36,5% en 2018, contre 38,6% en 2014 et 41,2% en 2008.
- Dans l'activité du second oeuvre, les sociétés ont créé 38,8% de richesses en 2018, alors que le taux était de 40% en 2014 et de 41,9% en 2008.
- Les entreprises de travaux publics ont enregistré un taux de création de richesses de 39,1% en 2018, contre 39,6% en 2014 et 41,1% en 2008.

 

L'étude de BTP Banque a été réalisée auprès de 4.000 entreprises clientes dont le chiffre d'affaires est compris entre 500.000 et 150 millions d'euros.

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