RÉNOVATION. L'Ordre francilien des architectes a réuni "l'ensemble de la chaîne" de la rénovation des copropriétés dans un groupe de travail qui a livré, le 27 février, douze propositions "pour faire plus et mieux", alors que le logement collectif privé constitue "un gisement formidable" de rénovation énergétique des logements.

C'est face au double constat que "le gisement est formidable" et que "les dispositifs existants ne fonctionnent pas", que le Croaif et une douzaine de partenaires, représentant "l'ensemble de la chaîne" de la rénovation des logements collectifs privés, ont présenté, le 27 février, douze propositions pour "faire plus et mieux pour les copropriétés". Ils avaient décidé de la création d'un groupe de travail dans le cadre de l'événement Réparer la ville, organisé par le Croaif du 20 au 22 novembre derniers.

 

Représentants des architectes, des bureaux d'études, des entreprises du bâtiment (FFB, Capeb), mais aussi association de consommateurs (CLCV), école de management immobilier ou encore Agence parisienne du climat (APC), toute la filière semblait en effet réunie, de la prise de décision à l'exécution des travaux.

 

Frilosité des banques

 

Des quatre axes déclinés par le groupe de travail, le volet financier apparaît comme le point le plus bloquant. "Les banques sont très frileuses", explique Henry Buzy-Cazaux, directeur général de l'ISC Paris, une école de management notamment centrée sur les métiers de l'immobilier. "Elles ne sont pas familières du risque particulier attaché à un prêt collectif. Seules deux banques s'y sont mises en Ile-de-France. Elles ont prouvé que ce n'était pas risqué, il appartient maintenant à l'État de mettre les autres banques face à leurs responsabilités".

 

 

Une solution pourrait être la création d'intermédiaires entre les banques et les particuliers, explique le directeur général adjoint de CDC Habitat, gros bailleur francilien, qui s'est joint aux travaux du groupe de travail "car 20% de [son] patrimoine en Ile-de-France se trouve en copropriétés". "Plutôt qu'une course à la subvention qui ne rattrapera jamais le besoin, des organismes publics ou para-publics devraient se porter garants des prêts". De quoi être efficaces "sans que cela ne coûte véritablement" au contribuable.

 

CEE inadaptés

 

Il faudrait également, explique le groupe de travail, "trouver un outil aussi efficace que les CEE [certificats d'économie d'énergie] pour les copropriétés". Cet outil apparaît en effet "plus adapté au tertiaire" et est trop peu utilisé dans le logement. Plus globalement, "il faut trouver le moyen de financer immédiatement les travaux", insiste Arnaud Cursente (CDC Habitat).

 

Enfin, le groupe de travail attend beaucoup des discussions au Parlement sur la ratification de l'ordonnance du 30 octobre 2019 de réforme du droit des copropriétés. "L'article 13, qui concernait les plans pluriannuels de travaux et les fonds travaux, avait été supprimé en cours d'élaboration", rappelle Henry Buzy-Cazaux. "C'était pourtant l'une des rares mesures qui faisaient l'unanimité dans le secteur", déplore David Rodrigues, de la CLCV, qui "a bon espoir" que la mesure revienne par voie d'amendement.

 

Les 12 propositions pour les copropriétés :

 

- constitution d'un comité de liaison des acteurs de la copropriété formulant des
propositions pour les différentes catégories de propriétaires autour de 3 axes :
formation/information/sensibilisation ; gouvernance ; financements ;
- développer des formations communes pour les professionnels par secteur d'activité (acquisition ; gestion ; maîtrise d'œuvre en conseil ; mobilisation des fonds publics ou bancaires…) ;
- remettre à l'acquéreur une synthèse normalisée des règles du fonctionnement de la copropriété et y adosser une fiche d'identité de la copropriété. Les copropriétaires, dès l'acte d'achat et ensuite, au gré de leur parcours résidentiel, doivent être sensibilisés à la nature de leur engagement moral et financier à travers des points clés normalisés : capacité d'endettement et d'investissement réel, enjeux, état du patrimoine existant, coûts induits, valeur ajoutée à attendre de la rénovation ;
- élargir résolument les formes d'accession à la propriété et informer les acquéreurs de l'intérêt des innovations réalisées, afin de mieux prendre en compte les difficultés de solvabilité en milieu urbain ;
- inciter à un diagnostic général global de l'immeuble (social, environnemental, technique, réglementations en vigueur pour les éléments d'équipement collectif…). Ce document permettrait l'information de l'acquéreur en amont puis un suivi par le syndic et les propriétaires ;
- préconiser un plan pluriannuel de travaux (PPT) qui en découle, à chaque copropriété afin d'entretenir le bâti existant et prévenir toutes pathologies. En raison du sous-dimensionnement des fonds travaux, il apparaît impératif de les corréler au montant de travaux prévus au PPT ;
- désigner un interlocuteur unique lors du projet de rénovation. La complexité de la chaîne de décision au sein de la copropriété génère des difficultés de gestion de projet, l'objet de la présente proposition est de fluidifier la chaîne de décision ;
- décloisonner et clarifier les aides publiques, optimiser leur instruction. Pour les professionnels comme pour les copropriétaires, les dispositifs existants sont souvent inintelligibles. Le rythme du renouvellement d'une copropriété est nettement plus rapide que celui des travaux à prévoir. Les fonds travaux sont souvent sous-dimensionnés : il y a nécessité d'adapter et d'harmoniser l'ensemble.
- que l'Etat réunisse les acteurs bancaires pour les sensibiliser aux marchés des copropriétés et les inciter à mobiliser les fonds au plan national en faveur des copropriétés ;
- créer un produit bancaire dédié aux copropriétés (une part du livret A ou un livret dédié, par exemple) et faciliter le recours à l'emprunt collectif en incitant les établissements bancaires à proposer des produits concurrentiels à celui mis en place par le Crédit foncier récemment pris par la BPCE-IDF ;
- intégrer le financement des travaux au prêt initial consenti par la banque à l'acquéreur ;
- mobiliser l'Etat, les associations représentatives d'élus, les collectivités autour de la création d'organismes régionaux tiers garants soutenus par les collectivités locales, à l'instar d'Île-de-France Energie (audit architectural et financier,
montage du plan de financement, garantie bancaire…).

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