CULTURE. Le nouveau long-métrage de Thomas Kruithof s'intéresse à la politique locale, à la banlieue et à la survie d'une cité insalubre. Un portrait réaliste des difficultés que peuvent rencontrer les élus, applaudi par de grands acteurs de l'habitat.

Clémence veut sauver le quartier des Bernardins. La cité, en proie à l'insalubrité et aux marchands de sommeil, a une chance de se transformer grâce au combat mené par cette maire d'une ville du 93 et de son directeur de cabinet, Yazid. C'est la dernière bataille de Clémence avant de terminer son mandat. Mais quand elle est approchée pour devenir ministre, ses ambitions et plans sont chamboulées. À travers ce portrait d'élue, le réalisateur Thomas Kruithof réussit dans son dernier long-métrage "Les Promesses", en salles le 26 janvier, à dépeindre la réalité de l'habitat dans les quartiers populaires. Le spectateur est plongé dans un tourbillon de violences, entre la représentation du pouvoir vue par les habitants et associations, et le drame de l'inaction de l'Etat. Au milieu, l'édile, interprétée par la brillante Isabelle Huppert, se démène pour sauver cette cité mais est rongée par ses ambitions politiques.

 

 

Il faut dire que son quotidien est difficile et exigeant. Elle fait face, en permanence, à des habitants qui ont l'impression de ne pas être écoutés et qui se sentent abandonnés. "Le maire occupe une place à part dans ce système : il fait la liaison entre le peuple et l'Etat. Il connaît les prénoms et les noms de ses administrés et, en même temps, il est exposé à l'Etat central. Il subit une froideur, un dédain venant d'au-dessus, et une colère, une impatience et une perte de confiance venant d'en dessous", a affirmé le réalisateur, lors d'une projection à laquelle Batiactu a été conviée.

 

Montrer toutes les strates sociales

 

Grâce à un scénario ficelé, écrit par Jean-Baptiste Delafon et Thomas Kruithof, le film dresse le portrait de la proximité entre des élus locaux et des habitants de la commune qu'ils dirigent. Une partie du film a notamment été tournée dans le quartier des Chênes Pointus, à Clichy-sous-Bois. Loin d'apporter des scènes léchées, le chef-opérateur fournit des images pragmatiques aux couleurs crues. Celles-ci font un état des lieux réels des copropriétés dégradées, de ses couloirs souillés et des fuites d'eau, nombreuses, que subissent les habitants. Le réalisateur filme avec justesse la misère sociale de ses habitants désespérés qui peinent à croire aux promesses des élus. Le rythme est haletant, les jeux d'acteurs subtils. Quant au chef-décorateur, il soigne les différents décors du film afin de dessiner toutes les strates sociales.

 

Pour jouer le rôle de Yazid, Reda Kateb a souhaité "s'approcher de ce métier, dans son rythme, en faisant une micro immersion" au sein de cabinets d'élus. Il a notamment passé une journée avec un directeur de cabinet et a pu constater la pile de dossiers sur son bureau. "L'ambition était de faire un film de cinéma, au risque de simplifier parfois les problématiques", explique l'acteur. "Reda Kateb a su montrer le rôle si particulier du directeur de cabinet", juge pour sa part Olivier Klein, président de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), également présent lors de cette projection. "L'objectif de représenter les copropriétés dégradées est réussi. C'est un sujet méconnu du grand public, tout comme celui des difficultés que connaissent les élus pour faire changer les choses."

 

De la difficulté du terrain

 

Pour s'approcher le plus près possible de la réalité des élus, Thomas Kruithof et Jean-Baptiste Delafon sont allés à la rencontre de maires et de réseaux associatifs. "Nous voulions montrer l'affrontement qui se déroule dans la vie politique locale et les vies méconnues de ces élus, la complexité de leur métier. Le sujet du logement est au cœur de ce film", raconte Thomas Kruithof. "Nous voulions aussi parler du sentiment d'ambiguïté qui règne entre Matignon et une mairie."

 

 

 

Également présente lors de cette projection, la ministre chargée du Logement, Emmanuelle Wargon, a réagi. "Le film montre bien la difficulté d'aller parler à chaque copropriétaire. Expliquer que cette réalité existe et qu'il faut la traiter quand elle est très dégradée et la prévenir quand elle l'est moins, c'est quelque chose que beaucoup de Français vont découvrir dans ce film." Elle reconnaît que la politique nationale s'est saisie de cette problématique depuis peu de temps, et ajoute qu'elle a apprécié "l'engagement et l'obstination déraisonnable" du personnage principal. "Ce film réconcilie les gens avec la politique au service de l'intérêt général", estime la ministre.

 

De son côté, le réalisateur affirme avoir essayé de comprendre la multiplicité des acteurs dans la rénovation urbaine. Une ambition réussie pour le président de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), Thierry Repentin. "La scène où le ménage découvre la décision du gouvernement m'a pris à la gorge", témoigne-t-il. "Un habitant de Clichy-sous-Bois, qui connaît ces difficultés, m'a aussi dit qu'il avait été touché par le film", reprend Thomas Kruithof. "Certains intérieurs où nous avons filmé seront détruits, d'autres rénovés. Les futures générations verront dans quelles conditions les habitants vivaient."

actionclactionfp