Voici l'aboutissement d'un projet de recherche de 10 années : le clinker "Aether" de nouvelle génération permet d'abaisser de 25 à 30 % l'empreinte carbone du ciment grâce à une chimie particulièrement étudiée. Explications avec Günther Walenta, chef du programme CO2 chez Lafarge.

Tout a démarré en 2003, avec une vaste opération de réduction des émissions de CO2 initiée par le cimentier Lafarge. "Dix études et projets ont été lancés en parallèle", explique Günther Walenta, responsable du programme chez Lafarge. "Le projet 'Aether' qui présente bon nombre d'avantages et d'avancées, a été réalisé avec le concours du British Building Research Establishment et de l'Institut des matériaux de construction de Pologne (MBM). En 2010, il a suscité l'intérêt de l'Union européenne qui lui a alloué une subvention à hauteur de 50 % du financement du projet dans le cadre de son programme Life+", un programme communautaire qui soutient les projets en faveur de l'environnement. Une aide qui se monte à 2,3 M€.

 

L'objectif de Lafarge a été de démontrer la faisabilité des ciments Aether dans des cimenteries traditionnelles, moyennant quelques aménagements. "Ces adaptations concernent le procédé et la température de cuisson, qui est moins élevée : au lieu d'avoir un four à 1.450-1.500 °C, nous l'abaissons à 1.300 °C. Mais le contrôle de la température de cuisson doit être plus strict, faute de quoi les réactions chimiques ne se font pas", poursuit Gunther Walenta. La réduction de température permet donc de diminuer de 15 % la consommation d'énergie.

 

Une minéralogie étudiée
D'autre part, le changement de chimie opéré dans la composition du clinker (le constituant principal du ciment) modifie la minéralogie finale en réduisant le taux de calcaire. "En lieu et place des quatre phases habituelles d'un produit classique (alite, belite, aluminate et ferrite), on ne retrouve dans Aether, ni alite, ni aluminate, mais une nouvelle phase ye'elimite", expose le responsable du projet. La nouvelle minéralogie, moins dense et moins dure, permet également de la broyer facilement, nécessitant, là encore, moins d'énergie. "Et le ciment obtenu après les réactions d'hydratation a les même propriétés que le ciment Portland classique. En application il est similaire, et présente même une montée en résistance plus rapide et une plus grande stabilité dimensionnelle", annonce Gunther Walenta. La réduction du calcaire permet, in fine, de réduire les émissions de CO2.

 

Vers une commercialisation en 2014
Les premiers essais se sont montrés concluants, à tel point que Lafarge a lancé une production test de 10.000 tonnes dans son usine du Teil (Ardèche) sur une dizaine de jours en 2012. "Beaucoup de données ont été collectées. L'idée est maintenant de commercialiser un produit en 2014 qui complètera la gamme existante et qui pourra à terme remplacer des références. Il reste encore à valider le respect des normes. Mais le projet est déjà un succès, le fruit d'un travail d'équipe de 100 personnes, provenant de toutes les entités Lafarge, du centre technique, des usines, de la R&D, de la direction Performance et de celle de l'Innovation", conclut M. Walenta. Déjà, les recherches se poursuivent sur l'industrialisation de cette avancée, sur l'étude de nouveaux produits et d'autres propriétés. Afin de réduire encore davantage son empreinte CO2, le cimentier explore d'autres pistes comme l'utilisation de micro-algues afin de capturer le gaz carbonique à la sortie des fours ou sur la séquestration de ce gaz dans le sol.

actionclactionfp