INFRASTRUCTURES. Les pouvoirs publics viennent d'inviter, à l'issue du conseil des ministres, les collectivités locales à accélérer en matière de diagnostic et de partage d'informations concernant l'état structurel des ponts qu'elles gèrent. Aujourd'hui, l'état de santé précis de ce patrimoine est mal connu.

Plus d'une semaine après l'effondrement tragique d'une partie du viaduc Morandi, à Gênes (Italie), qui a fait 43 morts, le Gouvernement français est revenu sur le sujet de l'entretien des infrastructures routières lors du conseil des ministres du 22 août 2018. Les pouvoirs publics ont notamment rappelé le rôle des collectivités locales dans l'entretien des routes et ouvrages d'art. "Dans un objectif de transparence sur l'état des infrastructures, le Gouvernement invite les collectivités concernées à achever au plus vite la mise en commun des données relatives aux principaux ouvrages d'art", peut-on lire dans un compte-rendu diffusé à la presse.

 

Quid des 98% du réseau routier détenu par les collectivités ?

 

Le Gouvernement rappelle en effet que seulement 1,2% des routes du pays sont gérées par l'État. "C'est 'epsilonesque' par rapport à l'ensemble du réseau français", explique Christian Tridon, président du Syndicat national des entrepreneurs spécialistes de travaux de réparation et de renforcement des structures (Strres), à Batiactu. Sur ces tronçons, les pouvoirs publics s'engagent, via la loi mobilité qui devrait être présentée dans les prochaines semaines, à intervenir là où cela serait nécessaire (notamment les 7% de ponts menacés d'effondrement identifiés dans un rapport de juillet 2018). L'État s'engage d'emblée à "augmenter les crédits de l'entretien routier, pour passer de 700 M€ en 2017 à 800 M€ en 2018. Cette hausse se poursuivra dans les prochaines années".

 

 

Mais l'écrasante majorité du réseau (98%) est gérée par les collectivités, où s'effectue 66% du trafic, selon un rapport de la mission interministérielle sur les dépenses de voirie des collectivités datant de novembre 2017. Ce document débouche sur plusieurs conclusions instructives. Il se veut tout d'abord rassurant en ce qui concerne les routes : "La mission considère que l'état général du réseau des voiries locales n'est pas, à ce jour, dans une situation alarmante" - et ce malgré la diminution, ces dernières années, des investissements des collectivités dans la voirie (baisse de 19% entre 2013 et 2015, à 13,29 milliards d'euros).

 

"Manque de diagnostic" pour les ouvrages d'art

 

Toutefois, les auteurs du rapport insistent sur la nécessité de se soucier davantage des ouvrages d'art, hors tunnel. "Le constat global est celui d'un manque de diagnostic et d'un entretien hétérogène en raison de leur complexité technique et du coût des travaux", peut-on y lire. "La mission invite, dès lors, à la constitution d'un groupe de travail au sein de l'Observatoire national des routes (ONR) spécifiquement dédié à cette problématique." Pour Christian Tridon, le chiffre sus-cité de 7% pourrait être extrapolé à l'ensemble des ponts détenus par les collectivités (150.000 environ). "Et rappelons qu'il y a 10 à 15.000 ponts qui ne sont pas même visités, nous ne savons donc pas dans quel état ils sont." D'où l'invitation du Gouvernement et de la mission à "mettre en commun les données".

"Ce parc de ponts considérable, qui a entre 30 et 60 ans, soulève des interrogations", J. Rapoport

 

Jacques Rapoport, président de la mission interministérielle sur les dépenses de voirie des collectivités, n'était quoi qu'il en soit pas alarmiste lorsqu'il s'est exprimé sur le sujet, fin 2017, lors d'un colloque. "L'essentiel du patrimoine en ouvrages d'art des collectivités territoriales, ce sont les dizaines de milliers de ponts, dont beaucoup ont été construits au lendemain de la guerre [...]. Ce parc de ponts considérable, qui a entre 30 et 60 ans, soulève des interrogations. Ce n'est pas du tout que les collectivités s'en désintéressent, mais le diagnostic technique est beaucoup plus complexe pour un pont que pour une voirie dont la dégradation est visible", a-t-il expliqué. "Nous ne disons pas que la situation est nécessairement dégradée, car, dans le cadre de notre mission nous n'avions pas les outils pour l'affirmer, mais nous soulevons une interrogation et nous appelons à une grande vigilance sur ces ouvrages d'art vieillissant."

 

Enfin, qu'en est-il des ponts du réseau concédé, qui représente lui aussi une partie 'epsilonesque' de l'ensemble ? "Les sociétés concessionnaires sont tenues contractuellement et ont hérité d'ouvrages plutôt récents", nous explique Christian Tridon. "Ils sont davantage surveillés et mieux entretenus." L'État "s'assure que l'ensemble des concessionnaires autoroutiers appliquent exactement les mêmes normes de sécurité que sur les routes non concédées", précise d'ailleurs le Gouvernement. "Les contrats de concession prévoient des pénalités financières importantes en cas de non-respect des prescriptions de ces contrats."

 

État des ponts : "Il n'y a aucune situation d'urgence", Benjamin Griveaux
A l'issue du conseil des ministres du 22 août, le porte-parole du Gouvernement Benjamin Griveaux a assuré qu'il n'y avait aucune situation d'urgence concernant l'état des ponts en France sur le réseau routier non concédé. "Trente pour cent des ouvrages nécessitent des réparations mais en grande majorité ce sont des travaux mineurs", a-t-il déclaré aux journalistes. Quant aux 7% des ponts de ce réseau qui évaillait les inquiétudes, ils nécessiteraient "des légers travaux, ce qui ne veut pas dire pour autant qu'ils présentent le moindre caractère de dangerosité". Mais, reconnaît Benjamin Griveaux, "nous avons intérêt à avoir ces réparations maintenant si on ne veut pas que la situation se dégrade". La programmation des travaux pour la décennie à venir sera présentée à l'automne dans le cadre de la loi d'orientation sur les mobilités, avec un scénario arbitré avec une hausse progressive des dépenses d'entretien. Elles sont passées de 700 à 800 millions en 2018, atteindront 850 millions en 2020-22 et "930 millions à partir de 2023 ce qui permet d'enrayer la dégradation de l'état des routes les plus empruntées du pays", a précisé Benjamin Griveaux.
Avec AFP

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