Selon un rapport remis aux ministères de l'Ecologie et du Redressement productif, un abaissement du niveau des émissions radio des antennes relais ne pourrait se faire qu'au détriment de la qualité de réception. Afin de compenser cet effet, il faudrait donc… multiplier le nombre de ces antennes par trois ou quatre. L'association Les Robins des Toits dénonce le détournement d'un travail scientifique.

Le Comité opérationnel sur les ondes de téléphonie mobile (Copic) vient de remettre deux rapports à Philippe Martin, le ministre de l'Ecologie, et à Fleur Pellerin, la ministre déléguée chargée des PME, de l'Innovation et de l'Economie numérique. Le premier porte sur la faisabilité d'un abaissement de l'exposition aux radiofréquences émises par les antennes relais de téléphonie mobile et s'appuie sur des expérimentations menées dans 16 quartiers pilotes ainsi que sur une simulation des conséquences de cet abaissement. Le second rapport, quant à lui, propose l'instauration de nouvelles procédures de concertation et d'information locales au moment de l'implantation d'antennes relais.

 

Des niveaux d'expositions qui dépassent rarement 2,7 V/m
La simulation réalisée pour calculer l'exposition aux ondes émises repose sur un modèle théorique qui part du principe que tous les émetteurs fonctionnent simultanément à puissance maximale, une situation qui serait singulière. Résultat : sur les seize zones d'expérimentation choisies, 90 % des niveaux d'exposition modélisés sont inférieurs à 0,7 V/m et 99 % à 2,7 V/m alors que les valeurs limites réglementaires françaises, conformes aux recommandations de l'UE, sont de 41 V/m (téléphonie mobile à 900 MHz), 58 V/m (1.800 MHz) et 61 V/m (UMTS). Certains points, géographiquement isolés, nommés "PPE", seraient plus exposés que la moyenne de leur zone. Mais, dans 20 % des cas, les antennes relais ne seraient pas la source principale d'exposition : des émetteurs radio FM, des boîtiers Wifi ou des téléphones portables en seraient la cause. Et si, spatialement, il existe une forte variabilité de l'exposition, elle évoluerait peu dans de le temps : l'amplitude constatée reste faible (inférieure à 30 %).

 

Trois fois plus d'antennes relais
Mais les associations d'opposants souhaitent un abaissement du seuil à seulement 0,6 V/m afin de répondre au "principe de précaution" face à la nocivité présumée des ondes. Une mesure qui entraînerait "une forte détérioration de la couverture du réseau, en particulier à l'intérieur des bâtiments", explique le rapport du Copic. Le document évoque des pertes allant de 37 % à Grand-Champ (en zone rurale à relief faible) à 82 % de la couverture intérieure dans le 14e arrondissement parisien (centre-ville ancien dense). Une baisse drastique qui affecterait "la qualité du service de téléphonie mobile". La solution : pour maintenir un niveau d'exposition inférieur à 0,6 V/m en façade et au sol sur tout le réseau, tout en conservant une bonne couverture, il faudrait multiplier le nombre d'antennes relais "par un facteur au minimum égal à trois", explique le rapport. Leur nombre passerait ainsi de 50.000 sur le territoire national à 150.000… Un nombre considéré même comme un minimum puisque les volumes de communication, l'écoulement du trafic et l'accessibilité aux sites n'ont pas été pris en compte.

 

Levée de bouclier des Robins des toits
L'association "Les Robins des toits", qui a participé au groupe technique du Copic, estime pour sa part que les résultats présentés sont biaisés. "L'objectif poursuivi est de discréditer la valeur cible de 0,6 V/m pourtant recommandée par le Conseil de l'Europe", déclare Etienne Cendrier, le porte-parole des Robins. Le collectif déplore "un regrettable détournement d'un travail scientifique" tout en reconnaissant que les résultats concernant le 14e arrondissement parisien étaient corrects. L'association a suspendu sa participation aux travaux. Le déploiement annoncé de la 4G (2.600 MHz mais également 800 MHz) sur le territoire national ne devrait rien arranger à la polémique : l'ajout d'émetteurs pour le réseau à très haut débit mobile créerait, en moyenne, une augmentation de 50 % de l'exposition en façade et au sol… De quoi encore alimenter le débat entre opérateurs et opposants aux antennes-relais. Rappelons qu'à Paris, une charte signée en novembre 2005 limite le seuil indépassable (toutes fréquences confondues) à 2 V/m en moyenne sur 24 heures consécutives (des pointes étant donc possibles).

 

Des disparités sur l'implantation d'antennes relais existent entre les villes qui "conduisent des politiques très hétérogènes", souligne le second rapport remis aux ministres. Le document recommande donc diverses mesures réglementaires ou contractuelles portant sur la concertation et l'information dont l'élaboration d'un "Guide des bonnes pratiques de la réunion publique". En outre, les occupants d'un bâtiment susceptible d'accueillir une antenne relais devraient en être informés de façon préalable, et les maires devraient obligatoirement recevoir un dossier d'information sur les projets d'implantation potentiellement étayés par des simulations du champ généré par une future antenne.

actionclactionfp