La multiplication des manifestations d'ouvriers du bâtiment a mis en relief les lacunes du code du travail aux Emirats arabes unis et révélé des abus dans d'autres secteurs en plein boom économique de ce pays, amenant les autorités à envisager des solutions.

Des ONG mettent la pression sur le gouvernement de cette fédération de sept membres, dont Dubaï, pour garantir les droits d'une main-d'oeuvre formée essentiellement d'ouvriers asiatiques.

De luxueux gratte-ciels, portant des noms évocateurs tels que «le 21e siècle», s'élèvent le long de Cheikh Zayed Road, principale artère de Dubaï, un centre d'affaires du Golfe.

Des hommes à la peau noire, en combinaison, travaillent sur un chantier d'élargissement de la route sous un soleil de plomb, avec des températures pouvant monter jusqu'à 50 degrés Celsius en août. Des dizaines de grues s'élèvent à l'horizon, annonçant l'arrivée de tours encore plus grandioses, dont Burj Dubai appelé à devenir la plus haute tour au monde.

Dans le hall d'une tour résidentielle, un portier feuillette l'un des journaux locaux d'expression anglaise, avec son lot quotidien d'informations sur des manifestations d'ouvriers du bâtiment mécontents et les avertissements de responsables menaçant les fauteurs de trouble de poursuites judiciaires ou d'expulsion.
Cet Indien, qui a requis l'anonymat de peur d'être licencié, raconte son épreuve et celle de collègues employés par une firme gérant plusieurs immeubles, propriétés d'Emiratis. Travaillant depuis 16 ans pour cette société, il est payé 1.500 dirhams (410 dollars) mensuels, sans couverture médicale et sans retraite. Ses heures supplémentaires ne sont souvent pas payées, et il doit débourser 3.400-dirhams (925 USD) pour le renouvellement, tous les trois ans, de sa carte de travail.
Il ajoute que ses plaintes auprès de son employeur lui ont valu des menaces d'expulsion, affirmant que cinq de ses collègues ont été licenciés ces deux dernières années après s'être plaints auprès des autorités. Ses tentatives pour mobiliser ses collègues afin de faire pression sur l'employeur ont été infructueuses. «Ils ont peur, et si je me plaignais tout seul, mon visa serait annulé et je serais expulsé», dit le portier, ajoutant: «Si nous agissons en groupe, des mesures seront prises».
Mais les syndicats, les négociations collectives et les manifestations sont interdits aux Emirats, dont plus de 80% des quelque 4 millions d'habitants sont des étrangers. Selon les autorités, les plaintes doivent être adressées à un comité gouvernemental créé il y a un an. Ce comité est intervenu à huit reprises l'an dernier pour résoudre les problèmes de 19.249 ouvriers, selon son coordinateur, Salah al-Falsi.
Les autorités ont fait peu de cas de la vive condamnation des abus par l'organisation humanitaire Human Rights Watch (HRW, basée à New York) en mars après une violente manifestation sur le site de Burj Dubai. Depuis cette manifestation, au cours de laquelle des équipements et des voitures ont été saccagés, une autre protestation violente a eu lieu en avril à Dubai Marina. Des ouvriers réclamant des salaires impayés ou une amélioration de leurs conditions de travail et de vie manifestent quasi-quotidiennement.
Dans une tentative de contenir ce phénomène préjudiciable à l'image du pays, qui se veut un modèle de prospérité au Moyen-Orient, le ministère du Travail a annoncé en avril qu'il soumettrait au gouvernement cet été un nouveau code du travail. Selon la presse locale, un programme en 29 points, dont le salaire minimum, le versement régulier des salaires, les allocations sociales, a été arrêté.
Le salaire minimum garanti sera de 3.000 dirhams (817 USD) mais pour les seuls employés émiratis, qui ne forment que 10% de la main-d'oeuvre forte de 2,4 millions de personnes.
Entre-temps, les groupes humanitaires maintiennent la pression. HRW a promis de publier dans les prochains mois un rapport sur les conditions de travail aux Emirats et Amnesty International prévoit une mission dans ce pays en juin.

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