A l’heure où le développement durable mobilise, la gestion des déchets produits par le secteur du bâtiment devient primordiale. Interview de Marc Cheverry, chargé du département de gestion optimisée des déchets au sein de la direction des déchets/sols de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).


Combien représente aujourd’hui le volume des déchets de chantiers du bâtiment ?
Marc Cheverry : Le volume des déchets produits par les chantiers du bâtiment est estimé à 30 millions de tonnes par an. Selon les études, les chantiers de construction neuve représentent 2,3 millions de tonnes, les chantiers de démolition 17,2 millions de tonnes et les chantiers de réhabilitation 11,4 millions de tonnes. Parmi ces déchets, il existe plusieurs catégories : 60% de déchets inertes (parpaings, béton, gravats…), 35% de déchets banals (plâtre, bois…) et 5% de déchets dangereux (amiante, peinture au plomb…)
On remarque que les déchets inertes sont essentiellement issus du gros oeuvre et de la démolition de la structure des bâtiments. Les déchets dangereux et les déchets banals proviennent quant à eux surtout du second œuvre.
Concernant les chantiers des travaux publics, ils génèrent quant à eux 280 millions de tonnes de déchets inertes (ou déblais) par an.

Quel est aujourd’hui le cadre réglementaire concernant la gestion de ces déchets ?
Marc Cheverry :
Concernant les déchets inertes, outre la revalorisation sur site, ils peuvent être stockés dans des décharges spécifiques, dont les créations ont la particularité d’être autorisées par arrêté municipal. Le cadre réglementaire est peu contraignant car il s’agit de déchets inoffensifs. Un guide technique est diffusé par le ministère de l’Ecologie et du Développement durable. Quant au tarif, il faut compter de 3 à 6 euros par tonnes de déchets.
Concernant l’élimination des déchets banals, la réglementation est très stricte. Il s’agit de centres de stockage de classe 2 soumis à l’autorisation du préfet. L’exigence réglementaire est beaucoup plus forte sur le choix, la conception, l’exploitation du site et le contrôle. C’est aussi plus coûteux. Il faut compter 60 euros par tonne.
Hormis l’élimination, on peut également revaloriser ces déchets banals. Cela impose alors une organisation pour regrouper les produits de plusieurs chantiers. Ainsi, sont en train de se créer des plateformes de regroupement et de tri afin de récupérer les déchets qui peuvent être réutilisés (granulats ou matériaux recyclables). Cela se développe depuis 4-5 ans, depuis que les pouvoirs publics ont demandé aux professionnels et aux directions départementales de l’Equipement de mettre en oeuvre des plans départementaux de gestion des déchets du BTP.

Quel est l’objectif de ces plans ?
Marc Cheverry :
Le premier objectif est d’établir un inventaire au niveau du département pour estimer les quantités et les différentes qualités de déchets produits au niveau des chantiers de construction neuve, de la démolition des bâtiments anciens, des travaux publics et des routes (création ou entretien). Ils visent également à sensibiliser les professionnels du BTP à leur rôle dans la réduction à la source des déchets.
Le deuxième objectif est de faire des propositions pour mettre en place un réseau d’installation en fonction de la quantité de déchets produits pour développer le recyclage ou la valorisation des matériaux après le tri, puis à s’assurer des capacités de stockage adaptées pour les déchets ultimes.
Cela permet de déterminer s’il est nécessaire de créer une ou plusieurs déchetteries réservées aux professionnels du BTP, de plates-formes de regroupement et de tri, d’offrir une certaine proximité aux professionnels et de disposer d’un maillage suffisant au niveau du département.
Ces schémas sont rédigés pour 90 départements, dont une quarantaine sont à ce jour approuvés.
A partir de là, la question est de savoir comment ces documents peuvent se concrétiser dans les faits et comment inciter les professionnels à investir dans ces installations de traitement.

Justement, les professionnels gèrent-ils aujourd’hui leurs déchets ?
Marc Cheverry :
Les grandes entreprises comme Colas, Bouygues, Lafarge… sont aujourd’hui organisées et sensibilisées à ces questions. En revanche, le problème est de sensibiliser les artisans aux déchets qu’ils produisent. Aujourd’hui, ces derniers sont confrontés aux problèmes d’accueil de leurs déchets en déchetteries. Ils souhaitent que celles-ci ou les centres de stockage soient accessibles et adaptés à leurs horaires. D’autre part, ils souhaiteraient que les efforts d’information soient accentués dans le domaine de la rémunération et du contrôle. Même si cela tend à disparaître, l’autre problème moins vertueux est que certaines entreprises brûlent sur les chantiers, ou rejettent dans la nature, encore des produits.

Quel est alors le rôle de l’Ademe ?
Marc Cheverry :
Notre première mission est de suivre l’avancement et le contenu de ces plans départementaux, de compiler les chiffres et de voir où sont les problèmes. Notre deuxième mission est de soutenir financièrement la réalisation des études préalables pour déterminer la quantité de déchets présents dans les bâtiments afin de savoir comment déconstruire avec un objectif de les revaloriser, ou pour définir la faisabilité technique et économique d’une installation, par exemple. Il s’agit notamment d’aides à la décision pour les maîtres d’ouvrage.
D’autre part, nous pouvons également attribuer des aides pour financer les opérations dites exemplaires dans le cadre d’accords avec les régions. Par exemple, nous pouvons financer la réalisation de plateformes de regroupement et de tri dans une région au titre de l’exemplarité, pour se donner des références techniques, économiques ou ouvrir un marché nouveau pour les matériaux recyclés.
Nous participons également aux travaux de recherche.
Parmi nos missions, nous intervenons d’autre part auprès des ministères pour établir un cadre pré réglementaire.

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