La Lune, qui ne devrait voir débarquer les prochains astronautes américains qu'en 2015, fait déjà l'objet depuis des années de convoitises immobilières lucratives, mais à la limite de la légalité.

La Lunar Embassy, dont le PDG Denis Hope a déposé en 1980 une déclaration de propriété pour la Lune et huit autres planètes auprès des Nations Unies, des Etats-Unis et de l'URSS d'alors, s'affiche comme la seule agence immobilière habilitée légalement à vendre des parcelles de Lune, Mars ou Vénus.

L'annonce de la relance de la conquête spatiale s'est traduite par un soudain regain d'intérêt pour ce type d'acquisition. "Nous enregistrons environ une vingtaine de demandes par jour depuis le début du mois", assure-t-on dans cette agence particulière installée à Gardnerville dans le Nevada (centre).
"Contrairement à Bush nous aurons colonisé la lune d'ici trois ans, pas vingt ans", affirme Denis Hope, confiant dans l'avenir de son entreprise créée il y a plus de 20 ans sur l'idée qu'il y avait des affaires à faire sur la planète voisine.

En 23 ans d'existence, son entreprise a vendu des parcelles lunaires, ou plutôt des certificats de propriété, à quelque 2,35 millions de clients, représentant environ 1,640 milliard de m2 pour un total de 6,75 millions de dollars, selon ses chiffres.
Un lot de 4.000 m2 (un acre) de terrain lunaire est vendu 29,79 euros hors taxes en Europe, 29,99 dollars aux Etats-Unis, les transactions passant essentiellement par l'internet.

En Californie l'entreprise Lunar Republic Society, lancée en 1999, et qui a elle aussi déposé une déclaration de propriété pour la Lune, affirme avoir vendu un million de m2 à quelques 400.000 clients dans le monde "heureux propriétaires" de parcelles dans la "Baie des arcs-en-ciel" (27,75 USD les 4.000 m2), le "Lac des rêves" (32,75 USD) ou la "Mer de la Tranquillité" (36 USD).
"Ce sont sans aucun doute des spéculateurs qui vendraient des morceaux du Brooklyn Bridge (célèbre pont de New York): chaque personne qui acquiert un bien immobilier a, en fait, acheté quelque chose qui n'est pas à vendre", souligne Ralph Steinhardt, professeur de droit de l'espace à l'Université George Washington. Il ne cache pas que c'est "typiquement américain".
"L'appropriation de l'espace, y compris la Lune et les autres planètes, est interdite selon le Traité de l'espace extra-atmosphérique signé en 1967 et ratifié par plus de 90 pays dont le Canada, la France, la Russie et les Etats-Unis, ainsi que par le Traité de la Lune de 1979", rappelle le professeur Ram Jakhu de l'Institut du droit de l'Air et de l'Espace de l'Université McGill à Montréal (Canada).
"En d'autres termes, des entités privées ne peuvent pas faire ce que l'on interdit à leurs gouvernements", explique-t-il.

Les deux sociétés en question retournent l'argument en leur faveur, affirmant que les textes interdisent un quelconque exercice de la souveraineté par des Etats sur ces nouveaux espaces à conquérir mais pas l'appropriation à des fins commerciales par des individus.
"De plus des droits de propriété doivent, pour être valides, avoir été reconnus par une loi nationale (...) or à ma connaissance il n'y a ni loi ni pays qui offre actuellement une base légale" à ce type de revendications, note encore le professeur Jakhu.

Mais rien n'arrête le "visionnaire" Denis Hope. Courant 2004 un transporteur spatial privé déposera ses ordinateurs sur la Lune, dont l'un sera la première Lunar Embassy Bank, "la banque offshore la plus lointaine de toute l'histoire de l'humanité", annonce-t-il.

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