Exécution incomplète des contrats, renégociation, risque de faillite… Dans son dernier rapport, publié mardi 17 mars, l'Internationale des services publics (ISP) pointe du doigt l'"inefficacité et le coût onéreux" des PPP. Réactions et éclairages de Denis Dessus, vice-président du CNOA.

Les contrats en partenariat public-privé de nouveau mis en cause ? Ces opérations en PPP "constituent un mécanisme de financement de l'infrastructure et des services onéreux et inefficace, puisqu'il dissimule l'emprunt public tout en fournissant aux entreprises privées des garanties de profit à long terme accordées par l'État", estime aussi l'Internationale des services publics (ISP), la Fédération syndicale mondiale, dans son rapport publié mardi 17 mars. En effet, son auteur, David Hall, y passe en revue des PPP menés dans les pays industrialisés comme dans les pays en développement.

 

"Un processus obscur"

Avoir recours au secteur privé n'est ni "plus efficace" ni moins coûteux, souligne le document de la Fédération syndicale mondiale (ISP), chiffrant de 10 à 20% les surcoûts induits par l'organisation d'appels d'offres et le suivi des PPP. "Dans le secteur de l'eau, en France et ailleurs, ces groupes font souvent des offres conjointes, ou se répartissent les marchés des grandes métropoles", observe le rapport. Par conséquent, ce mode de contrat devient un "processus obscur qui s'opère pour l'essentiel dans le plus grand secret, en se cachant derrière des négociations confidentielles pour maintenir un avantage commercial", complète la même source. D'ailleurs, selon une étude de la Banque européenne d'investissement (BEI), à l'échelle de l'Europe la construction de routes via des PPP a coûté 24% plus cher que le financement public.

Des conclusions qui se confirment en France...

En outre, pour le secteur public, les PPP ne sont pas exempts de risques, observe sévèrement l'ISP : exécution incomplète des contrats, renégociation, risque de faillite ou de défaut de paiement du maître d'ouvrage privé. Par conséquent, à l'heure où les taux d'intérêt sont très bas, l'ISP conseille aux gouvernements et collectivités locales de développer leurs infrastructures via leurs propres moyens financiers.

 

Pour Denis Dessus, vice-président du Conseil national de l'Ordre des Architectes, interrogé par Batiactu, les dernières conclusions du rapport de l'ISP sont des "évidences constatées par tous les analystes sérieux et indépendants", qui viennent d'ailleurs d'être confirmées en France dans un rapport de 25 pages de la Cour des comptes, qui étrille les PPP signés par les collectivités territoriales.

 

 

"On peut également citer l'excellent rapport sénatorial Sueur-Portelli, celui de l'Assemblée Nationale de Patrick Bloche, de l'Inspection Générale des Finances ou les précédents rapports de la Cour des comptes sur les prisons notamment, ajoute Denis Dessus. D'ailleurs, l'annulation très récente des PPP de la cité municipale de Bordeaux, des 63 centres d'entretien routier du ministère de l'écologie, de la piscine de Commentry (Allier), de l'hôpital sud francilien ou de la cité de l'océan à Biarritz devraient faire réfléchir l'Etat, les collectivités et les établissements publics. Recourir aux contrats globaux, alors que cela n'est pas justifié par des circonstances exceptionnelles, se traduit immanquablement par une incertitude juridique et un piège financier, pour généralement une piètre qualité de service public."

Une solution proposée : "L'introduction d'un seuil plancher en dessous duquel on ne pourra pas utiliser le PPP"

Avant de conclure : "Il est grand temps que le ministère des Finances, dont le rôle théorique est de bien gérer, arrête de faire la promotion de procédures qui ont pour effet de siphonner l'argent public au profit des grands groupes du BTP ou de la finance. L'actuel projet d'ordonnance qui va réécrire la passation des marchés publics généralise la possibilité de recours aux contrats globaux." Ce dernier va d'après, le CNOA, à l'encontre des préconisations des rapports parlementaires en ne retenant que le critère de l'efficience économique comme condition de recours au PPP, un critère basé sur une évaluation préalable généralement orientée pour ne pas avoir recours aux marchés publics classiques. La seule évolution favorable serait, d'après Denis Dessus, "l'introduction d'un seuil plancher en dessous duquel on ne pourra pas utiliser le PPP". Enfin, la Banque européenne d'investissement (BEI), évoquée dans ce rapport de l'ISP, aurait une responsabilité dans la diffusion de ces procédures catastrophes, incitant et finançant de tels montages dans les Etats du sud européen notamment, conclut Denis Dessus.

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