Après l'application d'un décret en mars dernier dédié à la réorganisation des services de l'inspection du travail, le second volet de la réforme examiné les 20 et 21 mai prochains, en procédure accélérée, renforcera les moyens de contrôles des agents. Objectif final : permettre aux inspecteurs d'infliger des amendes aux entreprises. Décryptage.

Pouvoirs de sanction renforcés, réseau d'appui aux risques particuliers, unités territoriales de risques spécifiques… La réforme de l'inspection du travail, initialement intégrée au projet de loi relative à la formation professionnelle et la démocratie sociale, a été scindée en deux parties suite au rejet des sénateurs en février dernier des dispositions du texte défendu par le ministre Michel Sapin.

 

 

Des pouvoirs élargis
"L'une, dédiée à la réorganisation des services, a fait l'objet d'un décret publié le 21 mars dernier avec des unités de contrôle regroupant 8 à 12 agents, des unités spécialisées, notamment sur le travail illégal ou l'amiante, ainsi qu'une unité de contrôle nationale, nous rappelle Denys Robiliard, député PS, porteur de la proposition de loi à l'Assemblée, lors d'une rencontre organisée ce jeudi 15 mai par l'Association des journalistes de l'information sociale (AJIS). L'autre, consacrée aux "pouvoirs" des inspecteurs, repassera devant le Parlement sous la forme d'une proposition de loi socialiste."

 

Désormais, cette proposition de loi socialiste, qui doit être examinée ainsi amendée dans l'hémicycle les 20 et 21 mai prochains, en procédure accélérée, consacrera, d'après le député, l'indépendance des agents, renforcera leurs moyens de contrôle et permettra à l'administration d'infliger des amendes aux entreprises en cas de manquement à certaines dispositions du Code du travail, ce qui existe dans plusieurs pays européens, alors que seule la voie pénale était prévue jusqu'alors en France.

 

Les contrôleurs du travail deviendront inspecteurs
La nouveauté ? Sur proposition du rapporteur socialiste Denys Robiliard, a été inscrite la perspective de l'extinction du corps des contrôleurs du travail (fonctionnaires de catégorie B), qui contrôlent les entreprises de moins de 50 salariés, alors que les inspecteurs (catégorie A) sont dédiés aux entreprises de plus de 50 salariés. "Les contrôleurs deviendront inspecteurs après examen professionnel, en vertu d'un plan de transformation des emplois initié par le gouvernement en septembre 2013", indique le parlementaire.

 

En outre, les députés ont notamment complété un article prévoyant d'étendre les pouvoirs d'intervention des agents de l'inspection du travail, en inscrivant l'obligation pour les donneurs d'ordre et les propriétaires de faire rechercher la présence éventuelle d'amiante, préalablement à des travaux. "Nous voulons, permettre, en effet, de réduire le nombre d'arrêts de travaux prononcés par l'inspection du travail en lien avec des défauts de repérage", ajoute Denys Robiliard.

 

La moyenne annuelle des sanctions ? 3 procès verbaux par agents
Si ce texte est voté en l'état, ces inspecteurs pourront infliger directement des sanctions administratives et des amendes financières allant jusqu'à 2.000 euros par salarié, voire 10.000 euros dans certains cas. Pour éviter les classements sans suite, des ordonnances pénales - procédures de jugement simplifiées - sanctionneront toutes les contraventions du Code du travail. Pour rappel : la moyenne annuelle des sanctions en France représente 3 procès verbaux par agents, soit l'équivalent de 6.000 euros par an.

 

Vers la possibilité d'arrêter immédiatement des travaux
"Afin de prévenir la santé et la sécurité au travail, les inspecteurs auront aussi accès à tous documents (et pas seulement ceux prévus par le Code du travail) nécessaires à leurs contrôles, demandes d'expertise ou arrêts de travaux", poursuit le député. Par ailleurs, la possibilité d'arrêter immédiatement des travaux pour mise en danger des salariés, limitée aujourd'hui aux risques de chutes de hauteur ou d'ensevelissement dans le bâtiment, sera élargie à tous les secteurs et intégrera de nouveaux risques (amiante, installation électrique, utilisation non conforme de machines-outils…).

 

"Avant tout, un droit social"
Autre nouveauté : L'inspecteur pourra immédiatement faire cesser l'exposition des salariés à des risques flagrants. Par ailleurs, les 2.219 agents de contrôle pourront recourir à des sanctions financières en cas de manquement aux règles d'hygiène, particulièrement sur les chantiers, mais aussi dans les entreprises. Côté syndicat, Henri Jannes, inspecteur du travail représentant la CFDT, estime que ces dispositions "vont dans le bon sens même si elles peuvent être compliquées à mettre en œuvre. C'est avant tout un droit social. De notre côté, nous demandons à ce que l'on développe l'approche de branche. Nous proposons donc une approche davantage collective pour pouvoir intervenir, par exemple, dans le secteur du bâtiment sur plusieurs chantiers du même employeur."

 

 

Près de 120 agents en moins
S'agissant de la question des effectifs, la CGT estime que ce dernier décret ne répond pas à la question. "Les postes de Responsables d'unités de contrôle (RUC) seront toujours prélevés sur les postes d'agents d'unités contrôle (UC) sur le terrain", nous précise Julien Boeldieu, inspecteur du travail et syndicaliste à l'Union nationale CGT des affaires sociales (UNAS-CGT). Les suppressions de postes dues aux objectifs de baisse des dépenses publiques vont continuer. Le découpage des UC, des sections et des secrétariats sera toujours effectué sur la base d'effectifs en diminution, ce qui se traduira par une hausse de la charge de travail pour tous. En chiffres : sur les 2.335 contrôleurs et inspecteurs du travail couvrant le territoire, nous compterons désormais 2.219 agents d'unités de contrôles, soit une diminution de 116 agents en moins. Autre exemple, on comptera sur Paris 148 agents contre 157 avant la réforme. Cette réduction d'effectifs est illogique dans un contexte où le Gouvernement nous demande d'intensifier nos contrôles."

 

actionclactionfp