Portés par la croissance du commerce maritime mondial, les grands canaux de Suez et de Panama ont, plus que jamais, une importance stratégique et économique. Inaugurés il y a plus de 100 ans, ils vont tous deux subir des travaux d'envergure destinés à augmenter leurs capacités. Un troisième grand canal devrait même être percé au Nicaragua. Tour d'horizon de ces projets démesurés.

Le transport maritime mondial est toujours en croissance, malgré la crise économique : il s'élevait à 1.500 Mrds € en 2012 et devrait atteindre les 2.000 Mrds € en 2020. Neuf milliards de tonnes de marchandises empruntent la mer chaque année, représentant 90 % du trafic mondial. Les points de passage que constituent les canaux de Suez et de Panama conservent donc toute leur importance, plus de cent ans après leur percement. A tel point que des grands programmes de travaux vont être lancés afin d'augmenter leurs capacités.

De l'Atlantique au Pacifique

Le canal de Panama, qui a été inauguré en 1914, est actuellement en travaux, afin de l'élargir. D'un coût estimé à 3,8 Mrds €, le chantier porte sur l'installation de nouvelles écluses capables d'accueillir des navires toujours plus imposants (type Post-Panamax transportant 12.000 conteneurs), sur la construction de nouveaux chenaux d'accès et sur l'augmentation du niveau du lac Gatún. De quoi porter la capacité maximale du canal à 510 Mt par an en 2025 (contre plus de 280 Mt actuellement), ce qui permettra au pays d'engranger des recettes substantiellement plus importantes. Le gouvernement espère qu'elles atteindront 2,35 Mrds € par an lorsqu'il sera pleinement opérationnel. Cependant, le chantier a pris beaucoup de retard, à cause d'un conflit financier entre le consortium chargé des travaux et l'Etat panaméen, puis d'une grève des ouvriers réclamant de meilleurs salaires.

 

Mais le canal de Panama devra compter avec un futur concurrent : le canal du Nicaragua. Annoncée en juin 2013 par le gouvernement local, sa réalisation a été confiée à un consortium chinois, HKNCD. Approuvée par l'assemblée nationale nicaraguayenne le 8 juillet dernier, sa réalisation devrait être rapide, malgré la complexité du projet. Car il s'agit là du percement d'une nouvelle voie de circulation qui traversera sur 105 km le lac Nicaragua, plus grande réserve d'eau douce d'Amérique centrale, et mesurera 278 km de long en tout, soit quatre fois la longueur de son concurrent panaméen. Le coût des travaux est estimé à 30 Mrds € avec une entrée en service prévue pour 2020 après seulement quatre ans de travaux. Le consortium chinois a d'ores et déjà lancé les études, déléguées au Changjiang Institute of Survey, Planing, Design & Research, qui sera aidé par les autorités civiles et militaires locales. Le projet est présenté par le président Daniel Ortega comme une planche de salut pour le pays d'Amérique centrale dont 40 % de la population de 5,8 millions d'âmes vit sous le seuil de pauvreté.

Une opportunité pour les pays concernés ?

C'est également le pari que font les autorités égyptiennes avec l'annonce, le 4 août 2014, du doublement du canal de Suez. Un projet destiné à fluidifier le trafic de l'ouvrage historique, percé en 1869. Le second canal entre la mer Rouge et la Méditerranée sera parallèle au premier sur 37 km. Les travaux, qui seront menés par un ensemble de 17 compagnies égyptiennes, seront placés sous la supervision de l'armée, a prévenu le président Abdel Fattah Al-Sissi. "Le projet devrait fournir un million d'emplois et fera de l'Egypte un centre industriel, logistique et marchand", a soutenu Mohab Memesh, le chef de l'autorité du canal. L'investissement devrait atteindre les 3 Mrds € pour un délai de réalisation de trois ans. Une fois terminé, ce canal "bis" réduira le délai de passage des navires à seulement 3 heures, contre 11 heures actuellement. Dans l'incapacité de se croiser, les bateaux passeraient de longues heures à attendre leur tour avant de franchir des goulets d'étranglement. L'Egypte estime que le chiffre d'affaires généré par l'ouvrage ainsi doublé devrait passer de 3,8 Mrds €/an à presque 10 Mrds €/an. Une manne non négligeable dans un pays à l'économie touristique sinistrée.

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