En plein débat sur la transition énergétique, la Cour des comptes publie un rapport sur la thématique de la politique de développement des énergies renouvelables. Elle souligne les trop nombreuses difficultés que rencontrent les projets et le manque d'efficacité de certaines mesures de soutien.

Alors que le pays dispose d'une énergie moins carbonée et d'une électricité moins chère que ses voisins européens, grâce aux centrales nucléaires et au parc de barrages hydrauliques, la France s'est lancée dans une ambitieuse transition écologique imposant le développement des énergies renouvelables. Dans un volumineux rapport, la Cour des comptes analyse la politique énergétique française : l'institution salue les résultats initiaux, avec la progression régulière des productions éoliennes et photovoltaïques entre 2005 et 2011. La trajectoire fixée, pour atteindre les 23 % était alors presque respectée, puisque le pays était passé de 10,3 % d'énergies renouvelables en 2005 à 13,1 % six ans plus tard, une proportion supérieure à la moyenne de l'Union européenne. Néanmoins, la Cour des comptes estime que l'objectif pour 2020 sera difficile à atteindre : l'effort à consentir entre 2012 et la fin de la décennie devrait être "beaucoup plus important que celui accompli entre 2005 et 2011. La production supplémentaire de chaleur et d'électricité renouvelables devra être six à sept fois supérieure à celle déjà réalisée", précise le rapport.

 

Une politique de soutien inefficace
Les difficultés surgissent alors : l'Etat met en œuvre de multiples moyens de soutien pour des filières dont les coûts de production sont encore aujourd'hui trop élevés pour qu'elles puissent s'en passer. Mais la Cour des comptes pointe la complexité ambiante : "Cette politique est mise en œuvre par un grand nombre d'acteurs publics et privés. La direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), chargée du pilotage général, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, le Commissariat général au développement durable (CGDD) et la Commission de régulation de l'énergie, autorité de régulation du marché, en constituent le 'noyau dur'. Le paysage des acteurs privés est beaucoup plus fragmenté, particulièrement diversifié et pas toujours structuré. Les grands industriels et producteurs, au premier rang desquels EDF et GDF-Suez, côtoient une multitude de PME/TPE, voire, souvent, de simples particuliers". Il en résulterait une organisation inefficace, dispersant ses efforts et n'évaluant pas suffisamment les effets socio-économiques de ses décisions, en particulier l'impact sur l'emploi et sur la balance du commerce extérieur. Et le cadre juridique ne faciliterait pas l'association des collectivités locales.

 

Imposer des arbitrages
Le rapport évoque également l'acceptabilité sociale des énergies renouvelables avec leurs contraintes physiques et les conflits d'usage qu'elles rencontrent. Selon la Cour des comptes, l'atteinte des objectifs fixés pour 2020 a un coût élevé pour la collectivité, et s'interroge dès lors sur la soutenabilité d'une telle politique sans contrepartie tangible en termes d'emploi et de développement industriel. La facture est évaluée, pour la seule CSPE, à plus de 40 Mrds € pour la période 2012-2020. S'y ajouteraient des dépenses fiscales, des aides budgétaires à l'investissement et au financement public de la recherche. Le coût de l'adaptation des réseaux de transport de l'électricité représenterait 5,5 Mrds € de plus. "Des arbitrages s'imposent, à commencer entre les filières à soutenir, notamment en fonction du coût relatif (…) au regard de leur contribution au mix énergétique. L'efficience des dispositifs de soutien (tarifs d'achat, appels d'offres, aides à l'investissement) doit également être un critère de choix", précise l'institution.

 

Le photovoltaïque en ligne de mire
La Cour des comptes recommande donc diverses mesures dont la mise en place d'un dispositif centralisé du suivi statistique "permettant de donner toute la visibilité requise pour éclairer les décisions", en matière de coût, d'emploi et de marchés. Une simplification du régime juridique est souhaitée pour la production géothermique et éolienne terrestre. La planification et la cartographie des EnR devront prendre en compte les contraintes de raccordement aux réseaux électriques. Les auteurs du rapport proposent de réserver les appels d'offre "aux technologies les plus en retard dans la réalisation de leurs objectifs de capacité et aux installations qui ne bénéficient pas d'un tarif d'achat fixé par arrêté, afin d'éviter les effets d'aubaine". Ils recommandent l'organisation d'un système de contrôle efficace des installations qui bénéficient du soutien public et de réserver les moyens aux installations les plus efficientes, notamment en redéployant les crédits au sein du Fonds chaleur. Enfin, la Cour remet en cause le principe de financement par le seul consommateur d'électricité des charges de soutien aux EnR électriques, compensées par la CSPE… une recommandation déjà formulée en 2011. Le document souligne que la soutenabilité, à long terme, de toute politique, requiert aussi une valorisation réaliste du coût des émissions de CO2, "soit par les mécanismes du marché, soit par la fiscalité".

 

L'association France Energie Eolienne (FEE) a promptement réagi à l'avis de la Cour des comptes en l'estimant "très positif tant sur l'aspect économique qu'industriel". Elle confirme la pertinence de l'instauration d'un tarif d'achat pour une filière mature et se dit prête à participer à la mise en place et à l'alimentation d'un outil de suivi statistique de l'emploi et des coûts. Nicolas Wolff, président de FEE, déclare soutenir "l'analyse de la Cour sur la nécessité d'alléger le cadre juridique de l'éolien afin que cette filière mature, compétitive et créatrice d'emploi prenne toute sa place dans la politique énergétique française". De son côté, Enerplan n'a pas encore arrêté de position et n'a pas souhaité réagir à la publication du rapport.

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