Dans un contexte de baisse des dotations de l'Etat, un rapport de la Cour des comptes signale, ce dimanche 5 octobre, que le déficit des collectivités locales est passé de 3,7 milliards d'euros en 2012 à 9,2 milliards d'euros en 2013. En cause : l'explosion des embauches et le recours aux emprunts. Philippe Laurent, spécialiste des finances locales à l'AMF, contre-attaque et nous livre ses explications.

Les collectivités locales creuseraient-elles leur déficit à la pelleteuse ? A en croire un document confidentiel, publié par le JDD, ce dimanche 5 octobre, le déficit des collectivités locales a quasiment triplé en un an. Cet "état des finances locales rédigé pour les ministères des Finances et de l'Intérieur, chargés de la réforme territoriale", souligne, en effet, que le déficit des collectivités locales est passé de 3,7 milliards d'euros en 2012 à 9,2 milliards d'euros en 2013.

La masse salariale a augmenté de 3,1%

Les dépenses des administrations publiques locales (communes, agglomérations, départements, régions...) ont ainsi augmenté de 3,4% alors que les recettes n'ont progressé que de 1%, ajoute le document. D'après les rapporteurs, "les investissements se sont accrus, entraînant une augmentation de leur endettement".

 

Parmi les causes avancées par le rapport, qui doit être rendu public d'ici à la fin octobre : la masse salariale a augmenté de 3,1% en 2013 après avoir déjà crû de 3,5% en 2012, en raison notamment de recrutements nouveaux.

Bond des dépenses d'investissement

Les dépenses d'investissement ont quant à elles, augmenté de 8,1% en 2013. D'après l'hebdomadaire, cela correspond à "un taux jamais égalé depuis 2009". D'ailleurs, le document signale que les collectivités ont puisé dans leur épargne et ont eu recours à l'emprunt, notamment dans ce contexte de baisse des dotations de l'État. Le trou dans les caisses des finances locales (9,2 milliards d'euros en 2013) équivaut à 10% de l'ensemble des déficits publics, contre moins de 3% en 2012.

Les maires dédramatisent la situation

Interrogé par Batiactu, ce lundi 6 octobre, Philippe Laurent, vice-président de l'AMF et spécialiste des finances locales, réagit à l'interprétation faite à l'article parue dans le JDD. "De quoi s'agit-il ? C'est tout simplement un rapport de la Cour des comptes qui paraîtra fin octobre focalisant sur la situation des finances locales. Cette situation n'a évidemment rien de confidentiel ! La note de conjoncture élaborée par la Banque postale l'a mise clairement en avant dès le printemps."

 

Et de poursuivre sur un ton grave : "En réalité, il ne s'agit nullement d'une aggravation du 'déficit' au sens courant du terme. On rappellera une fois encore que les collectivités locales françaises disposent d'une structure financière totalement différente de celle de l'Etat et des organismes de sécurité sociale. En effet, elles respectent la fameuse règle d'or, et bien au-delà : leurs recettes courantes sont très largement excédentaires à leurs dépenses courantes."

 

Cet excédent leur permet d'autofinancer, d'après Philippe Laurent, une majeure partie de leurs investissements, qui représentent pratiquement les trois-quarts des investissements publics. "Mais, conscients de leurs responsabilités pour préparer l'avenir du pays, les élus locaux ont poursuivi leurs investissements, et ont ainsi augmenté leur recours à l'emprunt : en 2013, celui-ci a financé 15% (et seulement 15%) du volume des nouveaux investissements, ce qui représente le fameux 9 milliards d'euros", détaille celui qui est aussi maire de Sceaux.

 

Avant de conclure : "Les collectivités locales ne s'endettent que pour investir, pas pour payer les fonctionnaires ou verser des subventions". Autrement dit pour l'AMF, pour sauver l'investissement local, "il ne faut pas prélever autant durement les maires sinon ce sont les réalisations d'équipements qui trinquent".

Une baisse de l'investissement des réalisations en 2015 confirmée par l'AMF

S'agissant des prévisions de l'investissement en termes de réalisations au cours de l'année prochaine, Philippe Laurent n'est guère plus optimiste : "En s'appuyant sur les derniers chiffres de la Banque Postale, je rejoins le Comité des finances locales (CFL), la réalisation d'équipements publics sera de l'ordre d'une baisse de 10 à 15 %, ce qui pourrait représentait près de 3 milliards d'euros par an !"

 

 

Interrogé également, par la presse, la ministre des Finances, Michel Sapin, a déclaré, ne pas avoir connaissance de ce rapport. Il a toutefois appelé les collectivités locales, qui représentent 25% des dépenses publiques, à faire plus d'efforts notamment en matière de frais de fonctionnement.

 

Vers un soutien des députés pour l'investissement local ?
Alors que la baisse des dotations inquiète les maires mais aussi les professionnels du secteur du BTP, c'est au tour des députés de réagir. Ces derniers redoutent que les économies décidées par le Gouvernement sur les collectivités locales ne se traduisent par une chute des investissements et des emplois dans le BTP. Ce dossier "brûlant" devrait donc donner lieu à des échanges vifs dès cette semaine à l'Assemblée nationale, à l'occasion de l'examen du PLF 2015 qui passe en commission ces jours-ci. D'après le JDD, la rapporteure socialiste Valérie Rabault défendra une mesure élargissant le remboursement de la TVA aux collectivités locales, cosignée par ses collègues parlementaires du PS, Karine Berger et Christine Pires Beaune. Le président UMP de la commission des finances à l'Assemblée nationale, Gilles Carrez, a également déposé un amendement en ce sens.

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