La qualité de l'air intérieur, détériorée par la présence de polluants chimiques ou d'agents microbiens, a des conséquences sur la santé humaine, et donc un coût socio-économique pour la collectivité. L'Anses et le CSTB ont mené une enquête afin de le quantifier. Résultats.

L'air intérieur est un enjeu dont l'importance va grandissante, avec la réalisation de maisons toujours plus étanches. Si certains s'interrogent sur la Réglementation thermique et sur son impact quant à la ventilation, d'autres cherchent à évaluer le coût socio-économique annuel que la pollution intérieure engendre chaque année.

 

Une première étude exploratoire a été réalisée en France par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), dans le cadre du programme de travail de l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur (OQAI). Et les résultats sont édifiants : chaque année, plus de 28.000 nouveaux cas de pathologies graves seraient répertoriés, dont des cancers, des accidents vasculaires cérébraux et des infarctus, entraînant le décès de 20.000 personnes environ.

Les particules, le premier polluant

"Sur la base de la méthode suivie, le coût pour la collectivité de la pollution de l'air intérieur, décrite par six polluants (benzène, trichloréthylène, radon, monoxyde de carbone, particules, fumée de tabac environnementale), serait de l'ordre de 19 milliards d'euros pour une année", estime l'étude. "Même si ces résultats ont un caractère plus illustratif que définitif, du fait des nombreuses hypothèses posées, il en ressort que l'ordre de grandeur de ces coûts n'est pas négligeable et que ce sont les particules qui représentent une part prépondérante", poursuit le document. Ce polluant, à lui seul, représenterait plus de 14,3 Mrds € de coûts induits, là où le monoxyde de carbone et le trichloréthylène, ne représenteraient "que" 350 M€. Radon et fumée de tabac entraîneraient également des dépenses de 2 Mrds € chacun. Des études similaires auraient été menées récemment dans d'autres pays (Italie, Pays-Bas, Etats-Unis), conduisant à des ordres de grandeur identiques, de plusieurs milliards d'euros par an. Mais l'enquête française présenterait de nombreuses limites.

Des limites qui devront être levées

Les six polluants considérés ont été choisis pour leur appartenance à la liste des substances prioritaires dans l'air intérieur, établie par l'OQAI et l'Anses, pour leurs effets connus sur la santé humaine, et pour l'existence de données disponibles sur l'exposition de la population générale dans les bâtiments. Les statistiques reposent donc sur des chiffres recueillis entre 2003 et 2005, l'année de référence retenue pour l'évaluation du coût économique étant 2004. La liste des polluants ne serait donc pas exhaustive, ignorant par exemple le formaldéhyde, du fait de données insuffisantes. De même, un nombre limité de pathologies aurait été considéré, écartant l'asthme du rapport. Les effets d'expositions à plusieurs polluants seraient également complexes à quantifier, tout comme la concentration exacte de chacun d'entre eux dans les différentes pièces d'un logement.

 

Constatant ces limites, l'OQAI a d'ores et déjà prévu d'approfondir l'exercice, en procédant à une évaluation plus fine des expositions et à une analyse de la sensibilité de certaines hypothèses de calcul. La méthodologie de calcul du coût socio-économique (voir encadré) pourrait également évoluer. Mais il apparaît bien que la qualité de l'air intérieur est un réel enjeu de santé publique et que la prise en compte de son coût supposé pourrait mener à des investissements pour améliorer la situation.

 

Méthodologie d'évaluation d'un coût social :
Elle vise à estimer le coût annuel des conséquences du problème considéré, en évaluant le volume annuel de ressources (humaines ou financières) dont la société est privée. L'opération est réalisée en deux temps. Le premier consiste à quantifier les impacts sanitaires liés aux expositions de la population générale : la connaissance de l'âge moyen de survenue de la maladie et de celui du décès est nécessaire afin de calculer la durée de la maladie et le nombre d'années de vie perdues. Dans un second temps, le coût interne (perte de qualité de vie liée à la mauvaise santé, perte de production, etc.) et l'impact sur les finances publiques (soins, recherches publiques, opérations de prévention, économies liées au non versement de retraites pour les fonctionnaires, etc.) sont évalués. Les deux données sont ensuite croisées afin d'obtenir le résultat final.

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