Crise financière, Loi de Finances, projets Borloo et Boutin, rôle des banques, délais de paiement, dialogue social… Jean Lardin revient sur tous les événements qui ont marqué cette année 2008. L’occasion de dresser un bilan au 3e trimestre et d’évoquer les difficultés que va connaître l’année 2009. Interview.

Batiactu : Votre rôle, c’est aussi garantir la pérennité de vos entreprises, et cela passe actuellement par la réduction des délais de paiement…
Jean Lardin : Avec le Négoce, nous avons une convergence de vue. D’accord pour aller vers l’objectif de la réduction des paiements interentreprises, mais à condition de prendre appui sur la possibilité d’exception prévue dans la loi. C’était notre point de vue il y a un mois, et ça l’est encore plus désormais. Car au moment où nous avons des tensions sur la trésorerie des entreprises dues aux conséquences de la crise financière et économique, nous ne voudrions pas que des mesures réglementaires viennent les aggraver. J’ai donc demandé samedi à Hervé Novelli de nous réserver la possibilité de pouvoir bénéficier de cette dérogation qui nous permet d’aller jusqu’en 2012 pour atteindre les objectifs. Aujourd’hui, nous sommes coincés entre l’amont qui demande à mettre en place ce dispositif très rapidement et l’aval. Et nous, nous sommes au bout de l’aval. Dans le schéma des délais de paiement interentreprises, nous sommes le dernier maillon avant le client, et comme aucune disposition n’a été prise pour que le délai de paiement du client soit réglementé, nous ne voulons pas être coincés dans un vide juridique. Nous sommes entre le marteau et l’enclume. La LME, oui, mais en utilisant cette dérogation qui a été prévue.

Batiactu : Pourquoi cet entêtement de la part du gouvernement face à la montée au créneau de bien des organisations ?
J. L. : Tout simplement parce que les grands industriels, qui sont des grands lobbyistes, ont besoin de cash pour continuer à aller s’amuser sur les marchés financiers. Sans cash, on ne peut pas jouer ! et pour avoir du cash, il faut vite encaisser. Les fabricants qui stockent pendant de longues périodes ont besoin de délai de trésorerie, le problème c’est qu’ils ne veulent plus jouer sur cette trésorerie, ils veulent bien inonder le marché de leurs produits, mais ne pas en subir les conséquences. Ils aimeraient être payés comme les pétroliers, «au cul du camion» ! Les industriels voudraient qu’il en soit de même pour les produits de la construction sauf que le temps de la construction n’est pas celui de l’utilisation de l’énergie.

Batiactu : Quid du statut de l’auto-entrepreneur prévu dans la réforme de la LME ?
J. L. : Ce qui nous gène, c’est d’avoir créé un dispositif qui va permettre à des personnes qui ne sont pas des chefs d’entreprise de pouvoir se lancer dans la création d’activité avec des conséquences pour la clientèle en ce qui concernent la qualité des prestations et la sécurité du consommateur, avec une concurrence déloyale, mais légale. On s’est promis de faire un bilan au bout de deux ans. Nous n’étions pas favorables, le législateur a pris ses responsabilités, mais nous sommes dans un état de droit. Mesure à suivre et à analyser de près…

Batiactu : Un point toutefois sur lequel vous avez été entendu, c’est le financement du dialogue social…
J. L. :
Le seul événement nouveau, c’est que Xavier Bertrand a présenté, le 25 septembre dernier, les accords dans le bâtiment, l’alimentation et les services à la Commission. Pour nous, ce n’est qu’un élément de simple justice et je salue le courage du ministre du Travail, car depuis 2003, aucun ministre du Travail n’avait fait cette démarche. Je me plais à rappeler que toutes les juridictions ont été saisies et que toutes, sans exception, ont donné raison à l’UPA. Surtout n’allez pas penser que l’accord pour le développement du dialogue social a été fait pour permettre aux centrales syndicales ouvrières de faire du prosélytisme et d’avoir davantage d’adhérents ! Non, ce sera la conséquence d’un travail préalable pour que des délégués syndicaux ou pour que des éléments de petites entreprises possèdent le BA-ba de la négociation.

Batiactu : Que répondez-vous à ceux qui disent que c’est une façon de vous en «mettre plein les poches» ?
J. L. :
Oui, ce sont ceux-là même qui promènent des valises d’argent liquide, non ? Vous connaissez l’adage : celui qui est soupçonneux est aussi soupçonnable. Ils connaissent bien le mécanisme, et ils ne veulent surtout pas qu’on en crée un autre pour nous ! L’utilisation de l’argent sera complètement transparente : l’idée, c’est une contribution de toutes les entreprises, l’argent est collecté par des établissements habilités à le faire, qui sont eux-mêmes contrôlés. Comme la gestion est paritaire, les deux parties veillent à ne pas s’exposer. Les divers scandales qui ont éclaté nous montreront qui avaient mis en place des tuyaux branchés directement sur les organisations patronales. C’est justement pour donner au dialogue social sa vraie force – sans être obligé de venir «fluidifier le dialogue social» avec de l’argent liquide et je reprends les mots de D. Gauthier-Sauvagnac (ex-dirigeant de l’UIMM, ndlr) – que nous voulons l’organiser sur des bases claires. Que les corps de contrôle ne se privent pas de faire les contrôles ad hoc !

Batiactu : Enfin, l’emploi et le recrutement pèsent-ils sur le secteur du bâtiment et de l’artisanat ? Quid du travail au noir et du problème des sans-papiers ?
J. L. :
Nous avons démarré l’année 2008 avec 40.000 offres d’emploi qui ne sont pas satisfaites. Nous sommes en octobre, en pleine crise financière, et pour autant, nous avons encore des offres d’emploi non satisfaites. La Capeb encourage tous ceux qui le souhaitent à venir travailler dans ses entreprises, quelles que soient les origines et la nationalité, à condition d’être en situation régulière. Nous ne voulons pas fragiliser davantage les entreprises en utilisant de la main-d’œuvre sans être trop regardant.

Batiactu : Comment contrôler au mieux, alors ?
J. L. :
C’est la difficulté que nous avons à appliquer la loi Hortefeux. J’ai envoyé une circulaire aux présidents des Capeb départementales, il y a 3 semaines, pour leur rappeler de bien veiller aux contrôles – soit en demandant les papiers, soit en s’appuyant sur des organismes type Assedic ou Anpe – mais il est difficile pour un chef d’entreprise de contrôler des papiers d’identité. Toutefois, le taux de travailleurs dans l’illégalité est à la marge.

Batiactu : Question bonus : Le site bonartisan.com va lancer un label «Expert en Energies renouvelables», à l’instar de votre label «Eco-Artisan». Comment réagissez-vous ?
J. L. :
Tous ceux qui se lancent dans ce genre d’activité, c’est pour générer du business. Je n’irai pas plus loin. Et tous ceux qui veulent devenir des experts pour préconiser telle ou telle entreprise, c’est pareil, il y a du business à faire, je peux le comprendre, mais, je ne peux pas le qualifier. Joker !

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