ENTRETIEN. Le débat est vif sur les raisons de l'incendie de la tour Grenfell, en juin 2017. Alors qu'un rapport analysant les causes du drame a fuité au Royaume-Uni, Julien Bagnard, responsable études et développement chez Myral, spécialiste des systèmes d'ITE et d'habillage de façades, nous donne son analyse sur la situation et explique sa stratégie.

Julien Bagnard, responsable études et développement chez Myral, spécialiste des systèmes d'ITE et d'habillage de façades, explique à Batiactu la stratégie développée par le groupe en matière de protection contre l'incendie, en ce qui concerne ses propres produits.

 

Batiactu : Au sein de votre société, comment gérez-vous la résistance au feu des façades ?

 

Julien Bagnard : Nous avons mené plusieurs essais Lepir pour avoir une bonne compréhension de l'équation des feux de façades, en lien avec nos produits. Nous tirons plusieurs enseignements de cette expérimentation. Tout d'abord, l'élément le plus important est qu'il n'y ait pas de lame d'air, qui fournit du comburant au feu. L'autre clé est la protection des baies, et pour cela nous respectons le protocole P5, tiré de l'instruction technique 249 (IT 249). Pour rappel, celui-ci consiste à mettre des tôles qui font barrière autour de la fenêtre, de manière à ce que le feu qui sorte d'un appartement n'ait pas accès aux isolants et ne s'y propage pas.

 

Le troisième facteur qui nous paraît important, c'est la nature de l'isolant complémentaire employé à l'arrière de nos revêtements de façades. Pour résumer, nous en avons déduit que nous pouvons : soit utiliser un isolant combustible type polyuréthane sans lame d'air (avec un recoupement de l'isolant tous les deux étages) ; soit un isolant incombustible ou faiblement combustible (par exemple Kooltherm K15), auquel cas nous pouvons nous affranchir de ce recoupement. Mais il ne faut pas faire de ces conclusions une généralité : elles valent pour nos produits, pas forcément pour d'autres.

 

"Le risque feu devient trop dur à maîtriser dans le cas d'un bardage ventilé"

 

Batiactu : Il existe pourtant plusieurs moyens de sécuriser une lame d'air...

 

Julien Bagnard : Dans des configurations où la pose en vêtage sans lame d'air n'est pas techniquement envisageable, nous aurions pu nous orienter vers un bardage ventilé avec nos produits, mais le risque feu devient trop dur à maîtriser dans ce cas. S'assurer de la bonne intégrité de la lame d'air, s'assurer que les systèmes de recoupement fonctionnent bien en conditions réelles, sur toute la durée de vie du bâtiment, nous paraît trop compliqué. Bien sûr, lors de tests en grandeur réelle, un soin est apporté par les industriels pour que les solutions fonctionnent au mieux. Mais qu'en est-il sur les chantiers ? Autant de soin est-il apporté, dans tous les cas, lors de la pose des bardages ? Sans compter que de nombreux corps d'états secondaires interviennent sur le bâtiment, ce qui peut altérer ces mécanismes de protection. Toutefois, nous sommes en passe de proposer une alternative au bardage traditionnel.

 

 

Batiactu : Quelle serait sa nature ?

 

Julien Bagnard : Le bardage traditionnel privilégie la gestion hygrométrique avant la sécurité incendie en conservant une lame d'air ventilée. Nous pensons qu'il est possible de gérer le risque hygrométrique sans présence de lame d'air, en diminuant grandement le risque incendie. Nous préparons donc l'obtention d'un Atex, auprès du CSTB, afin de proposer une alternative au bardage traditionnel dit «bardage non ventilé». Cette solution consisterait à installer un pare-vapeur directement sur le mur support avant d'installer l'isolant, de manière à éviter la condensation sur le temps long - rôle habituellement dévolu à la lame d'air. Nous avons déjà réalisé des essais Lepir dans cette configuration et l'absence de lame d'air montre des résultats très positifs.

 

"Une démarche d'expérimentation individuelle afin d'être au plus proche d'un incendie réel"

 

L'IT249 a été retouchée en novembre 2017, à la suite probablement de l'incendie de Londres. Elle indique que les acteurs doivent se reporter, selon leur système constructif, aux guides de bonnes pratiques réalisés par leur filière syndicale à l'aide de tests en grandeur réelle. Pour notre part, Nous avons préféré mener une démarche d'expérimentation individuelle afin d'être au plus proche d'un incendie réel. Cela nous permet désormais de proposer un système performant en terme de sécurité incendie notamment.

 

Batiactu : Certains acteurs estiment qu'il faut élargir aux immeubles de quatrième voire troisième familles l'obligation de n'utiliser que des produits incombustibles en façade, comme c'est le cas en France pour les IGH. Qu'en pensez-vous ?

 

Julien Bagnard : Il va sans dire que si tous les éléments de la façade sont incombustibles, le risque de déploiement d'un incendie à grand échelle est moindre. Cela dit, il faut rappeler que la performance des isolants incombustibles est moindre que celle des autres. Les épaisseurs posées sont donc supérieures. Cela peut tout à fait se concevoir en construction neuve, mais en rénovation, c'est plus compliqué à mettre en œuvre. Or, le chantier du siècle est là. Avec un isolant de type mousse résolique ou polyuréthane, en 10cm seulement, on parvient à la même performance qu'avec 20cm de laine. Et celle-ci a tendance à perdre sa résistance thermique avec le temps.

 

Batiactu : Un rapport d'experts sur le drame de la tour Grenfell pointe la responsabilité de problèmes de pose au niveau des cadres de fenêtres. Quelle est votre analyse à ce sujet ?

 

En ce qui concerne les précadres métalliques, nous allons justement réaliser des essais à ce sujet, avec des fenêtres déportées de la façade. Nous devons nous saisir de ce sujet.

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