TRANSPORTS. La Cour des comptes tire la sonnette d'alarme sur plusieurs dossiers dans son rapport portant sur l'exécution budgétaire 2017 de la mission "Ecologie, développement et mobilité durables" : de l'AFITF (Agence de financement des infrastructures de transports de France) à la RCEA (Route Centre Europe Atlantique), les sujets d'inquiétude sont nombreux pour l'institution publique.

Une fois de plus, la Cour des comptes dénonce la situation financière des infrastructures et des projets de transports en France. Dans son rapport portant sur l'exécution budgétaire 2017 de la mission "Ecologie, développement et mobilité durables", et que la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) n'a pas manqué de décrypter en profondeur, l'institution de la rue Cambon pointe du doigt de nombreux dossiers dans lesquels la soutenabilité économique n'est pas garantie ainsi que plusieurs projets où la priorité des financements devrait être revue.

 

En premier lieu, l'avenir de l'AFITF demeure incertain : en attendant qu'un choix financier pour cette structure soit acté dans la future Loi d'orientation des mobilités, l'agence sera confrontée dans les années à venir à une "bosse de besoins de financements" qui s'expliquerait par différents facteurs : déjà, des "restes à payer" élevés (de l'ordre de 12 milliards d'euros à fin 2017 selon la Cour) dus à des engagements pris par le passé ; ensuite, d'autres engagements contractuels de l'Etat de plus en plus conséquents au sein du volet mobilité des CPER (Contrats de plan Etat-régions) de la période 2015-2020 (on parle ici de 7,2 milliards d'euros). De plus, le programme de renouvellement des trains d'équilibre du territoire (TET, plus connus sous le vocable Intercités) nécessite de nombreux besoins de paiements, avec 3,5 milliards d'euros d'engagements au cours des prochaines années ; et enfin, la part de l'Etat dans des projets à dimension européenne tels que le canal Seine-Nord Europe ou encore le Lyon-Turin, doit également être financée.

 

Pour en revenir aux CPER, leur volet mobilité accumulerait aussi les retards. La FNTP note que le taux d'engagement était inférieur à 30% à la fin de l'année 2017, soit quasiment à mi-parcours de ces fameux contrats. La Cour des comptes souligne pour sa part que "la trajectoire est déjà fortement lissée, puisque le ministère estime que 60% des engagements seraient à payer après 2020".

 

L'entretien du réseau routier toujours en recul

 

La rue Cambon dénonce en outre une nouvelle baisse des investissements dans l'entretien du réseau routier national : le budget étatique consacré au "mode" routier a baissé de 63 millions d'euros l'année dernière, pour atteindre 1,3 milliard d'euros de crédits de paiements. Bien que les dépenses de développement du réseau restent dans l'ensemble stables, ce sont les dépenses d'entretien de ce même réseau qui pêchent : d'après la Cour des comptes, les investissements de mise en sécurité des tunnels diminuent, et dans le même temps les dépenses consacrées à l'entretien préventif des chaussées reculent pour la 4ème année consécutive. Quant aux dépenses de régénération du réseau routier national, elles se stabiliseraient à hauteur de 276 millions d'euros.

 

La RCEA, un "chantier prioritaire" pour la rue Cambon

 

Dans ce dossier des infrastructures routières, il est un cas régulièrement abordé par les spécialistes et les médias : la fameuse Route Centre Europe Atlantique, ou RCEA, également surnommée "la route de la mort". Cet axe se compose d'un ensemble de routes traversant la France d'Est en Ouest, tristement réputé pour être particulièrement accidentogène dans les départements de l'Allier et de la Saône-et-Loire. Afin d'améliorer la sécurité routière mais aussi de dynamiser le développement économique engendré par cet itinéraire très fréquenté, les pouvoirs publics ont décidé le réaménagement en 2x2 voies de la RCEA de la côte Atlantique jusqu'à la vallée de la Saône. Et pourtant, la Cour des comptes affirme qu'en dépit d'une "priorité continûment affirmée par les pouvoirs publics depuis 35 ans [le projet de la mise en 2x2 voies remonte à 1983], l'aménagement de la RCEA est encore loin d'être terminé", surtout sur sa section Est, soit environ 90 km de tracé dans l'Allier et 150 km en Saône-et-Loire, où cet aménagement "pourrait prendre encore une douzaine d'années".

 

Et l'institution d'ajouter que "l'enjeu principal de ce chantier est devenu celui de la sécurité et non plus seulement de l'aménagement du territoire", soulignant que la croissance "considérable" du trafic poids lourds sur cette section en fait une route où "les accidents sont particulièrement graves". Le retard accusé dans la transformation en 2x2 voies de la section centrale de la RCEA s'expliquerait par la priorité donnée à la construction de l'autoroute A89 (reliant Bordeaux à Lyon en passant par Clermont-Ferrand). Les magistrats de la rue Cambon soulignent qu'une "volonté politique variable dans le temps et dans l'espace" a contribué aussi à accroître le délai de livraison de ce chantier.

 

 

Le gouvernement réaffirme sa mobilisation sur le sujet

 

Suite au référé de la Cour des comptes portant sur la RCEA, daté du 16 mars mais rendu public ce mardi 29 mai seulement, le gouvernement a répondu dans un communiqué daté du 15 mai que "le degré de priorité de [la RCEA] est bien pris en compte dans les investissements sur le réseau routier national", selon les ministères de la Transition écologique et des Transports. L'exécutif précise que "les procédures d'appels d'offres se poursuivent à un rythme soutenu en vue de désigner prochainement un concessionnaire" dans l'Allier, et qu'un "plan d'accélération de la mise à 2x2 voies est en cours de mise en œuvre depuis 2013" en Saône-et-Loire. La Cour des comptes, qui appelle de ses vœux "une remise à plat du dossier", se voit répondre par le gouvernement que cette procédure "ne semble pas nécessaire". Les ministères concernés assurent néanmoins que sera effectuée "d'ici mi-2019 une actualisation du diagnostic de sécurité routière de la RCEA, afin de dénombrer plus précisément l'accidentologie constatée et de l'analyser afin d'éclairer la priorisation des sections restant à aménager".

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