Face aux désirs des politiques de changer l'organisation, de décentraliser les responsabilités et de réhabiliter ces quartiers, la réalité chiffrée du terrain donne une idée de l'ampleur de la tâche, et des obstacles à surmonter.

"Construire davantage de HLM reste un objectif permanent, mais aujourd'hui nous devons aussi nous attacher à mieux prendre en compte l'évolution des demandes des habitants et répondre de façon plus pertinente à leurs soucis", a indiqué récemment Michel Delebarre, président de l'Union nationale des HLM. Les maîtres mots, aujourd'hui, semblent bien être " construction ", " rénovation ", " dynamisation ". Reste que le système du logement social en France est aujourd'hui un mastodonte protéiforme, dont les acteurs sont nombreux, alors que la rentabilité n'est pas toujours au rendez-vous.

Le parc est composé de quelques 3,7 millions d'habitations à loyer modéré en location, pour 9 millions de personnes. Ces logements sont gérés par 850 organismes. Ce sont 292 offices publics (OPHLM ou OPAC), 316 sociétés anonymes, récemment rebaptisées Entreprises sociales pour l'habitat, 156 coopératives et 86 sociétés de crédits. Selon l'Union nationale des fédérations d'organismes HLM (UnfoHLM), elles représentent 13.000 administrateurs bénévoles et 67.000 salariés. S'ajoutent à ces 850 organismes les 303 sociétés d'économie mixte, qui gèrent 520.000 logements sociaux.
Le nombre d'acteurs qui interviennent dans le secteur du logement social est encore plus élevé, si l'on prend en compte tous les agents de financement et de construction. Sous l'Etat et les collectivités locales se trouvent 1% logement, foncière chargée de construire et de gérer cette manne venue des entreprises, la Caisse des Dépôts etc. " Le problème ne vient pas d'un manque de décideurs mais d'un trop-plein ", observe Paul Louis Marty, délégué général de l'UnfoHLM.

Aussi, lorsque les pouvoirs publics, par la voix de Gilles de Robien ou de Jean-Louis Borloo, annoncent leur volonté de développer ce secteur, en crise et en sous nombre, il faut comprendre que les réalisations ne se feront pas d'un coup de baguette. Ainsi, le 26 septembre, Gilles de Robien annonçait que les crédits consacrés à la construction et à la réhabilitation de logements sociaux augmenteraient de 3,2%, passant de 459 à 474 millions d'euro, pour 2003. L'une des raisons est la volonté de réaliser 54.000 logements, soit 3.000 de plus que l'an passé. Ce chiffre est à rapprocher des 45.000 destructions opérées dans la dernière décennie.
Les besoins sont énormes. Les habitants de logements sociaux, nombreux, sont pauvres. 13% des locataires bénéficient des minima sociaux, fin 2000 245.000 ménages recevaient le RMI. Cette population se plaint et souffre de la dégradation de son cadre de vie, dont les élus reconnaissent l'aspect " criminogène ". Pour briser cette spirale, les pouvoirs publics font donc la promesse de démolir et de reconstruire. Démolir avant de reconstruire, c'est évidemment mettre à la rue des milliers de ménages. Construire avant de démolir, c'est chercher un autre emplacement que l'actuel, et donc butter avec un foncier plus élevé. Or, le logement social n'est pas vraiment une source de spéculation. L'investissement dans le logement social n'est faisable que grâce à une politique de la carotte.

Malheureusement, ce souci de la rentabilité se répercute dans l'entretien des " barres " ou autres types de logements HLM, qui vieillissent. 22% seulement ont été construits après 1985. Les récents accidents d'ascenseurs, qui ne sont ni rares ni des phénomènes isolés, sont bien là pour montrer que, quelque soit le degré de dynamisme des pouvoirs publics, et comme le reconnaît Michel Delebarre, président de l'UnfoHLM, " si on ne fait pas grand-chose dans les immeubles, ça rapporte ".

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