LOGEMENT. Dans un rapport de près de 120 pages paru ce lundi, l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France (IAU) et l'antenne francilienne de la Direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement (Drihl) dressent le sombre portrait de l'habitat indigne, exacerbé dans la région-capitale.

Dans "L'habitat indigne et dégradé en Ile-de-France - Etat des lieux des enjeux et des politiques", l'IAU et la Drihl tentent de matérialiser et de chiffrer la problématique de l'habitat indigne, qui concentre, en Ile-de-France des statistiques bien au-dessus des moyennes nationales. Dans la région-capitale, 157.300 logements privés seraient indignes et se déploient bien au-delà des formes d'habitat conventionnel.

 

Tout en tirant bénéfice d'une pénurie de logements dans le parc social comme privé, le phénomène d'habitat indigne, est pourtant "difficile à repérer et identifier", introduit le rapport. Ces contours flous s'expriment plus précisément dans le parc locatif privé du fait d'une insuffisance "d'outils de connaissance aussi performants que ceux mis en place dans le parc social".

 

Mauvaise qualité, inconfort et précarité énergétique

 

Surfant sur la pénurie de logements privés, et des listes d'attentes interminables dans le logement social, l'habitat indigne englobe à lui seul un bâti de mauvaise qualité, de l'inconfort et de la précarité énergétique. Ces trois aspects se concentrent au cœur de l'agglomération parisienne, où "40% des logements privés sont dits de 'faible qualité', contre 25,5% en petite couronne et 18,2% en grande couronne". En Île-de-France, "près de 1,3 millions de ménages" sont concernés par l'habitat indigne, dont la plus grande partie réside dans le parc privé.

 

Quatrième grande tendance de l'habitat indigne, la sur-occupation qui touche 20% des ménages franciliens quand la moyenne nationale est de 9,5%. Le constat francilien est plombé par "le poids des studios qui sont considérés comme sur-occupés dès qu'ils disposent de moins de 25m²". Dans la capitale, ces petits logements situés dans des chambres de bonnes ou issus de la division de logements, sont légion.

 

Accumulation de fragilités

 

Si l'habitat indigne affiche de tels chiffres en Ile-de-France c'est qu'il parvient à s'insérer dans toutes les formes de précarité, logeant des habitants aux profils divers, qui cumulent souvent des facteurs de fragilité.

 

Se voulant comme une réponse "aux ménages les plus éloignés des circuits d'accès à un logement de qualité ordinaire", l'habitat dégradé et indigne peut-être d'abord perçu par ses habitants comme une solution "transitoire", mais qui peut rapidement se tourner en solution de long terme.

 

A l'issue de leur enquête, les auteurs du rapport ont noté "une surreprésentation de jeunes ménages" sans emploi ou en début d'insertion professionnelle, témoignant des "difficultés à accéder à un premier logement autonome à la fois en raison de revenus très faibles et/ou irréguliers et de statuts professionnels précaires". Mais le parc social privé décent pénalise aussi des "handicaps spécifiques", allant du chômage à la monoparentalité, en passant par l'invalidité et la tutelle psychiatrique.

 

Autre public qui peut s'inscrire durablement dans l'habitat indigne, celui des étrangers primo-arrivants. Souvent "en situation irrégulière et de précarité extrême", il s'agit d'hommes "exclus du marché de l'emploi" et de "femmes de migrants arrivées à l'occasion d'un regroupement familial qui ont divorcé et se sont retrouvées sans ressources, et parfois sans droits".

 

Bailleurs scrupuleux

 

Autant de profils qui ont souvent "en commun d'avoir connu un besoin urgent de logement", et qui font le miel de "bailleurs peu scrupuleux", proposant des loyers en cœur d'agglomération "souvent proches, voire supérieurs aux (prix) du marché". Certains propriétaires parviennent à se glisser dans les brèches administratives de la CAF, en tirant "parti de l'instauration du tiers payant de l'allocation logement et s'assurent un versement régulier du loyer en attirant des ménages très modestes".

 

Pour d'autres, l'appât du gain les amène à "développer une activité semi-professionnelle d'investissement" dans l'habitat indigne. On voit ainsi sévir les marchands de sommeil dans certaines copropriétés dégradées. Propriétaires de plusieurs logements, ils tirent d'importants bénéfices de leurs locations -harcèlement et menaces aidant-, sans jamais le reverser à l'entretien et la rénovation des biens.

 

Des nouvelles formes d'habitat indigne

 

En parallèle avec une quasi "professionnalisation" des marchands de sommeil, le marché de l'habitat indigne laisse entrevoir de nouvelles formes, témoignant de la volonté toujours plus grande d'augmenter les profits par davantage de surfaces. La division pavillonnaire témoigne de cette tendance, quoi qu' "encore difficile à mesurer mais avéré dans les départements de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne". Des marchands de sommeil divisent, en faisant l'économie de travaux, d'anciens pavillons ouvriers en plusieurs surfaces. Ici, rien ne se perd, tout se transforme, y compris les caves, greniers et garages. Cette pratique est aussi décelable chez d'anciens propriétaires qui "maximisent leur profit en revendant par lots leur ancien logement".

 

Au-delà des pavillons, le rapport témoigne de ces "garages, caves, annexes, greniers, cabanes au fond du jardin", qui sont autant de surface exploitables pour une location qui trouvera toujours preneur face à "l'intense pénurie au sein du marché francilien, de logements accessibles aux ménages les plus modestes".

actionclactionfp