Des grues qui tombent ou qui lâchent des pièces. Des accidents souvent mortels et bien trop fréquents ces derniers temps. Résultat, on s’interroge. Les grues sont elles encore sûres ? Que faut-il faire pour mieux prévenir ces drames ?

Dans l’ombre d’un géant. Jeudi dernier à Marseille, une jeune femme est morte écrasée par une plaque de béton d’1,5 tonnes qui s’est détachée d’une grue tombant sur la voiture dans laquelle elle se trouvait. «Il semble que l’un des deux crochets tenant la pièce a lâché», a expliqué Philippe Berger, adjoint au maire délégué à la commission de sécurité de la Ville. La plaque s’est alors mise à osciller avant de tomber sur une rambarde de protection, pour finalement atterrir sur l’avant-droit de la voiture, qui passait à ce moment-là sur la contre-allée. D’après les premières constatations, «l’accident serait dû à un problème de malfaçon de la plaque», explique Philippe Berger, soulignant que «les règles de sécurité ont été respectées». Selon la mairie, Kaufman & Broad, maître d’œuvre du chantier, a suivi la procédure, «mais c’est ce mouvement de balancier qui a fait sortir la plaque du périmètre de sécurité», poursuit Philippe Berger. La passagère, âgée de 19 ans, est morte sur le coup. Le conducteur du véhicule, indemne mais «très choqué», a été pris en charge par les marins-pompiers, dont un des camions circulait juste derrière la voiture accidentée au moment du choc. Le chantier a été suspendu.


Cet accident en rappelle un autre survenu peu de temps avant. Mi-janvier à Valenciennes, la chute d’une grue avait fait un mort et 5 blessés. Et 2 mois plus tôt, deux autres chutes de grues avaient tuées, à 12 jours d’intervalle, 2 élèves âgés de 8 et 12 ans. Au total, pas moins de 10 accidents mortels ont été recensés en France ces 5 dernières années. A ce triste résultat, on pourrait rajouter bon nombre de chutes de grues non révélées parce que non mortelles. «Les accidents les moins graves ne sortent même pas de l’enceinte du chantier et sont soigneusement étouffés», révèle dans son dernier numéro le mensuel Prévention BTP.




Les causes

A l'origine des accidents, les conditions climatiques défavorables, les défaillances techniques mais surtout des erreurs humaines dues à une mauvaise maintenance des machines, un manque de formation des intervenants, une utilisation des grues au-delà de leurs capacités ou encore une mauvaise étude du sol d’appui.


Depuis 2000, l’inspection du travail a répertorié 23 grues non conformes. Le ministère du Travail collecte dans une base de données les signalements des machines non conformes indiquées suite à des accidents ou des contrôles. Dans 6 dossiers, des problèmes de conception ont été détectés (fragilité d’éléments de solidarisation et rupture du crochet de levage, dispositif d’arrêt difficilement accessible sur le treuil de levage, notice d’instruction incomplète…) et dans 14 dossiers, des problèmes d’organisation, de mise en œuvre, de maintenance et de formation des opérateurs (dépassement de charge maximale, rupture de fût, chute de charge…).




Que font les autorités ?

3 arrêtés du ministère des Affaires sociales entreront en application le 31 mars prochain. Ils concernent les vérifications des appareils et accessoires de levage de charges, leur carnet de maintenance et l’examen approfondi des grues à tour. En complément des vérifications périodiques, elles doivent désormais être contrôlées au moins tous les 5 ans par un technicien hautement qualifié. Les vérifications doivent porter sur la structure et ses organes, les mécanismes d’orientation et de mise en girouette, les crochets, moufles et chariots, les câbles et leurs fixations et les dispositifs de sécurité. A la suite de l’examen, le carnet de maintenance de l’appareil doit être rempli, en indiquant le nom et le titre de la personne qui l’a effectué, la date de l’examen, les opérations effectuées et la date prévue pour le prochain examen. (Arrêtés des 1er, 2 et 2 mars 2004 publiés au JO n°77 du 31 mars 2004).


Malgré ces contrôles, le scepticisme demeure. En effet, toutes les vérifications possibles ne pourront jamais résister parfaitement à certains vents exceptionnels et trop violents. Pour répondre à ces inquiétudes, l’Europe semble avoir trouver une solution. Des normes européennes devraient prochainement améliorer la stabilité des grues en intégrant un «coefficient de rafale». Mais encore faudra-t-il qu’il soit respecté sur les chantiers.

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