ARTIFICIALISATION DES SOLS. Pour respecter le projet gouvernemental de "zéro artificialisation nette" (ZAN), l'ordre des géomètres-experts vient de communiquer une liste de dix propositions pour mieux évaluer le phénomène et le limiter.

2050 n'est pas seulement l'horizon fixé pour atteindre la neutralité carbone ; c'est également le cap fixé pour respecter l'objectif de "zéro artificialisation nette". C'est dans cette dynamique que souhaite s'inscrire l'ordre des géomètres-experts, qui vient de rendre publiques 10 propositions (voir encadré ci-dessous). Ce thème ne manque pas d'être abordé par les pouvoirs quand ils ont l'occasion de le faire. "Cela n'est pas seulement une ambition écologique, mais aussi la question de la société que nous voulons pour moins dépendre de la voiture et soutenir le commerce de proximité", a par exemple rappelé récemment la ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne. Qui appelait à "développer des territoires avec une sobriété dans la consommation d'espaces, réhabiliter les friches, désimperméabiliser les sols et ramener la nature en ville". La ministre d'État a aussi, lors de son discours des vœux à la presse, qualifié l'abandon d'Europa city de "bataille fondatrice".

 

Atteintes "majeures" à la biodiversité

 

L'ordre des géomètres-experts assure, dans un communiqué de presse daté du 24 janvier 2020, "partager les constats liés à l'artificialisation des sols ainsi que la nécessité d'y remédier", au vu des "atteintes majeures" à la biodiversité dans les villes et campagnes. Des problématiques connexes sont également identifiées, comme la vacance des logements ou la non résorption des friches industrielles qui représenteraient entre 80 et 100.000 ha en France. Une stratégie convaincante passerait également par une réforme menée au sein du monde agricole, "pris en étau entre les contraintes de performance économique et les attentes écologiques portées par la société civile".

 

 

Enfin, l'OGE met en garde contre les conséquences d'une application trop stricte de la stratégie de "zéro artificialisation nette". Et appelle à la mise en place de garde-fous, visant à ne pas "accentuer les ruptures entre les villes et territoires ruraux, entre l'homme et la biodiversité (effet de sanctuarisation)".

 

Les dix propositions des géomètres-experts pour lutter contre l'artificialisation des sols

 

- Améliorer la connaissance des dynamiques d'artificialisation des sols afin de poser un constat objectif et de distinguer l'artificialisation de l'imperméabilisation. Un sol artificialisé peut rester perméable dans les différentes formes urbaines existantes, en particulier les espaces de nature dans les parcelles, parcs, jardins qui, à condition qu'ils soient maillés entre eux, sont des éléments fondamentaux pour la préservation de la nature en ville et de la biodiversité.

 

- Faciliter la construction et le développement des projets à plus-value environnementale ou qui intègrent des logiques de production agricole de proximité (agriculture urbaine).

 

- Séparer, à travers les outils réglementaires, les "surfaces de pleine terre" des "surfaces artificialisées". Des espaces verts modelés tels des parcs ou jardins à forte biodiversité sont aujourd'hui définis comme artificialisés, quand certains espaces agricoles de grandes cultures intensives sont d'une pauvreté environnementale indéniable.

 

- Penser une application contextualisée du ZAN, en y intégrant tous les partenaires de l'aménagement, les élus locaux et les citoyens, pour éviter un urbanisme subi. Les besoins et les mécaniques de confortement de "l'habiter" dans les petites villes, villages, campagnes, n'ont rien à voir avec ceux des villes et des métropoles.

 

- Réintroduire la nature en ville en déployant un coefficient minimal de nature par habitant, à l'échelle des agglomérations. La reconquête de friches serait une réponse économiquement viable et écologiquement responsable. Plusieurs projets exploitent déjà ce principe de "sanctuaires" ou d'ilots de biodiversité avec un système végétal qui contribuera, à terme, à la dépollution du sol, voire de l'eau.

 

- Revaloriser, auprès des habitants urbains, les espaces de "nature sauvage". Les freins à végétaliser les projets urbains sont liés aux difficultés (maîtrise des budgets, abandon des pesticides) des collectivités à entretenir les espaces verts déjà existants. Acculturer les habitants à une nature moins « domptée » pourrait répondre en partie à cet enjeu.

 

- Tendre vers la réduction des déplacements quotidiens (donc des pollutions associées) du rural vers les métropoles en redonnant les moyens aux villes et villages ruraux d'atteindre les seuils de population nécessaires pour assurer le maintien/développement des emplois, commerces, services, activités et loisirs suffisants.

 

- Accompagner le monde agricole dans sa transition vers une agriculture durable et nourricière, et favoriser le développement d'une agriculture locale également actrice de la préservation tant des paysages que de la biodiversité.

 

- Préserver les centre-bourgs pour prévenir la délocalisation des espaces de services et commerciaux périurbains, et introduire des mécanismes de garantie financière pour la remise en état et/ou la densification des zones commerciales et d'activités. Faire de la reconquête de tous les bâtiments vacants une cause nationale en dotant les collectivités de moyens d'actions forts.

 

- Réaffirmer la nécessité d'une évaluation réglementaire des impacts des aménagements sur la biodiversité.

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