Au terme d'un débat public de six mois qui n'est pas parvenu à désamorcer la polémique sur l'utilité d'une nouvelle plate-forme aéroportuaire, le gouvernement a récupéré l'épineux dossier portant sur la création d'un troisième aéroport parisien.

Le débat public a tenu jeudi son ultime session. Le président de la commission DUCSAI (Démarche d'utilité concertée pour un site aéroportuaire international), Pierre Zemor, remettra officiellement au gouvernement vendredi ses conclusions, qui doivent "éclairer son choix" sur la nature et l'emplacement de l'aéroport.

Le ministre des Transports, Jean-Claude Gayssot, a récemment indiqué que le gouvernement trancherait rapidement. "La décision ne sera pas tout de suite celle du choix d'un site. Il s'agira plutôt de confirmer dans un premier temps l'opportunité d'un troisième aéroport", souligne-t-on toutefois au ministère des Transports.

Le choix est délicat. Si M. Gayssot plaide en faveur d'un troisième aéroport, le ministre de l'Environnement, Yves Cochet, est farouchement contre et l'a rappelé encore jeudi.

En octobre 2000, le Premier ministre Lionel Jospin a donné son accord de principe à la création d'une nouvelle plate-forme à l'horizon 2015, destinée à désengorger Roissy et Orly, menacés d'asphyxie du fait de la croissance attendue du trafic aérien et soumis à des limites de développement (250.000 mouvements d'avions pour Orly, 55 millions de passagers pour Roissy par an).

Les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, qui ont provoqué une chute brutale du trafic aérien mondial, n'ont aux yeux des experts du secteur qu'un impact limité dans le temps, et ne remettent pas en cause la croissance du trafic à long terme.

Le rapport de M. Zemor ne se prononce pas en faveur d'un des huit sites retenus, mais les passe en revue et évalue de quelle manière ils satisfont aux critères retenus, comme l'aménagement du territoire et l'impact sur l'environnement, les dessertes terrestres ou encore les aspects financiers (comme l'indemnisation des riverains).

Beauvilliers (Eure-et-Loir), Chaulnes, Montdidier, Hangest-en-Santerre (Somme), Vatry, Les Grandes-Loges et Bertaucry (Marne) et Juvincourt (Aisne) sont les communes pré-sélectionnées.

Depuis l'annonce des sites en septembre, le débat s'est échauffé et s'est reporté sur l'opportunité même d'un nouvel aéroport. Une contre-expertise réalisée par cabinet londonien MVA à la demande d'associations et débattue la semaine dernière, mettait en doute sa nécessité.

Pour M. Zemor, l'affaire est entendue. "Le débat public a vérifié la nécessité", selon lui, d'un troisième aéroport. La contre-expertise validait bien les projections -soit un quasi-doublement du nombre des passagers à 140 millions en 2020 sur Paris. Avec les plafonds actuels auxquels sont soumis Roissy et Orly, 35 millions de passagers au bas mot ne pourraient pas être accueillis sur Paris en 2020.

Les riverains des communes pressenties se sont organisés en associations pour rejeter le projet. Aujourd'hui, ces associations critiquent sévèrement le travail de la DUCSAI, qui a été "altéré" par plusieurs éléments, comme le refus selon eux de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) de débattre de solutions alternatives (aéroports de province, TGV) et de gestion maîtrisée du transport aérien ou encore le "débat tronqué" sur la santé publique.
Dans un communiqué, elles pressent le gouvernement de poursuivre "la contre-expertise pour explorer toutes les alternatives et solutions".

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