Les photos satellites du programme européen Corine Land Cover, traitées et publiées mercredi par l’Institut français de l’environnement (Ifen), ont permis de constater une poussée de l’espace urbain sur le territoire français. Une artificialisation des sols en progression de 4,8% de 1990 à 2000.

L'étalement urbain grignote inexorablement la France. L’urbanisation occupe désormais près de 5% du territoire. «Cela peut sembler modeste, mais le phénomène est concentré sur certaines parties du territoire», note Bruno Tregouët, directeur de l'Ifen. Sur la carte, les petits points rouges des zones fraîchement urbanisées se serrent le long des côtes et des axes de transports. De véritables «corridors urbains» suivent la ligne du TGV Nord (entré en service en 1994), la vallée du Rhône (TGV Sud-Est, autoroute du soleil), et l'axe Laval-Rennes.

Quelques explications de cette poussée : l’engouement des Français pour la maison individuelle et le développement des maisons secondaires. Si l’urbanisation se développe partout en France, c’est sur le littoral que la pression urbaine est la plus forte, déjà très densément peuplé, notamment en Bretagne et sur la côte méditerranéenne.

Mais faute d'espace disponible en bord de mer, les habitations grignotent désormais l'arrière-pays. L'habitat dispersé, très gourmand en espace, gagne du terrain. Encore le phénomène est-il largement sous-estimé : le programme Corine Land Cover est «myope», il prend en compte les surfaces supérieures à 25 hectares (250.000 m2), a remarqué Francis Bertrand, responsable du projet pour la France. La maison secondaire isolée dans l'arrière pays risque d'apparaître dans l'étude comme de l'habitat «rural».

La «photographie» de la France en 2000 révèle 4,8% de sols «artificialisés», 59% de terres agricoles, un quart de forêts, et 10% de zones humides et milieux aquatiques. L'urbanisation s'est accrue en dix ans au détriment des prairies (-0,8%) et des bocages (-0,7%) particulièrement précieux pour la diversité de la faune et de la flore, selon les scientifiques.

Selon l'Ifen, «le maintien de la biodiversité, la qualité des paysages périurbains, la préservation des milieux fragiles sont en jeu. L'homme est plus vulnérable aux risques naturels: on a trop construit en zone inondables, les sols imperméabilisés (routes, parkings) favorisent le ruissellement rapide des eaux lors des orages et des crues, et accroissent le risque d'inondation».

Le grignotage de l'urbanisation est généralement définitif : «l'artificialisation est souvent une transformation irréversible des sols, leur reconquête par l'agriculture ou la végétation naturelle est très marginale», note l'Ifen.

Au niveau européen, l'artificialisation progresse légèrement plus vite qu'en France : elle gagne 0,26% du territoire européen, contre +0,20% en France.

L'Europe a lancé cet inventaire en 1985 pour guider ses politiques en matière d'agriculture ou d'environnement. En France, les données devraient inciter à mieux protéger le littoral. La Loi littoral de 1986 qui limite les constructions est régulièrement l'objet de tentatives d'assouplissement de la part des parlementaires, comme lors du vote en début d'année de la loi sur le développement des territoires ruraux. Les côtes françaises abritent déjà une densité de population deux fois et demi supérieure à celle du reste du pays. Elles devraient accueillir 3,4 millions d'habitants supplémentaires d'ici 2030, selon la Datar (délégation à l'aménagement du territoire).

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