INTERVIEW. "Je suis un hors-la-loi", a clamé haut et fort, jeudi 16 avril, François Asselin, président de la CGPME, devant l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis). Les raisons de sa colère: la multiplication des formations de prévention obligatoires, les freins liés à l'emploi et la fiche individuelle de pénibilité.

Batiactu : Vous avez évoqué avec François Hollande, la problématique des freins à l'emploi, en lui clamant la phrase suivante : "Je suis un hors-la-loi", face à la multiplication des formations obligatoires notamment dans le secteur du bâtiment. Pourquoi ?

 

 

François Asselin : Dans certains secteurs d'activité -et il y en a beaucoup- , on a aujourd'hui tellement de formations obligatoires, tellement d'obligations en termes de sécurité au travail, en termes de prévention, que les chefs d'entreprises sont désarmés pour être dans les clous !

 

Un exemple ? Dans la branche bâtiment, on se retrouve avec 69 obligations diverses et variées ! D'ailleurs, dans ma propre entreprise de charpente, menuiserie, ébénisterie, ferronnerie d'art et spécialisée dans la rénovation de monuments historiques (Ndlr : située à Thouars, Deux-Sèvres), si je voulais rendre quelqu'un employable, il faudrait que je lui fasse d'abord faire 20 jours de formation pour qu'il dispose de tous les diplômes liés à la prévention et à la sécurité, en l'occurrence la formation hauteur, celle du montage d'échafaudage, qui n'est pas la même si c'est un échafaudage roulant ou un échafaudage statique, le travail en milieu empoussiéré, l'habilitation électrique, sans oublier aussi les divers Certificats d'aptitudes à la conduite en sécurité (CACES). Des organismes ont développé un vrai business !

 

L'idée n'est pas d'abandonner la prévention dans les entreprises, mais de la rendre surtout plus efficace. A la CGPME, je suggère donc de créer dans chaque branche une 'formation sécurité' qui regrouperait, par exemple, sur 15 jours, tous les risques de premier niveau que l'on peut rencontrer au quotidien.

 

Batiactu : Plus globalement, que vous inspire le nouveau compte personnel de formation (CPF) mis en vigueur en janvier dernier ?
François Asselin :
Je suis extrêmement préoccupé par les méfaits de la loi sur la formation professionnelle de mars 2014, qui met en danger, d'après moi, les plans de formation des entreprises. Les adhérents nous le disent clairement : "C'est une catastrophe, nous allons former moins, ça va nous coûter plus cher." Or, la formation continue, c'est la pérennité de nos entreprises. Si demain nous ne formons plus nos salariés, nous allons, à terme, avoir une baisse de compétences.

 

 

Batiactu : Enfin, quels sont d'après vous les freins à l'emploi ?
François Asselin :
Si j'ai bien senti, pour l'instant, que la porte est plutôt fermée du côté du Gouvernement, il faut trouver des solutions sur la réforme du contrat de travail. Je le répète : les chefs d'entreprises vivent constamment une rude épreuve pour embaucher un salarié supplémentaire. Je pense à la généralisation d'un CDI intermittent (ou CDII) à plusieurs branches d'activité, à la création d'un contrat de travail sécurisé prévoyant dès la signature les causes réelles et sérieuses de licenciement (baisse du chiffre d'affaires…) ou encore à l'extension du contrat de chantier à d'autres secteurs que ceux du bâtiment…

 

L'autre sujet du moment, qui sera débattu en juin lors de la conférence sociale spéciale TPE/PME, est évidemment l'inapplicabilité de la fiche individuelle de pénibilité. Pour nous, c'est clair, sa suppression serait la solution de sortie. Et l'on reparle depuis quelques jours avec les partenaires sociaux et le Gouvernement de la création de 'groupes homogènes d'exposition' et non de 'métiers'… Rien n'est acté, le Gouvernement va légiférer. A voir en profondeur d'ici à juin prochain. De toute manière, ce que nous voulons, c'est sortir de la logique de sanction et entrer dans celle de l'encouragement.

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