Aide à la conception ou à la rénovation des enceintes, études sur le confort acoustique, essais de tenue au vent des superstructures, simulation de désenfumage et d'évacuation… Le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment a mené une large mission d'expertise pour différents stades de l'Euro 2016. Jérôme Vinet, l'ingénieur chef de projet référent pour les grands ouvrages, nous révèle les dessous de ces interventions.

La compétition bat son plein, et la qualité des stades accueillant des matches de l'Euro 2016 de football n'a pas été prise en défaut. Et c'est peut-être un peu grâce au travail fourni en amont par les équipes de l'Institut Carnot-CSTB de Nantes qui ont expertisé les plans et les matériaux de construction des arènes sportives avec une extrême méticulosité. Jérôme Vinet, ingénieur chef de projet de l'équipe "Vent - Ouvrage", nous détaille ces missions : "Le CSTB avait été sollicité dès la construction du stade de France à Saint-Denis, en 1993-1995, pour des essais en soufflerie. Nous avions travaillé sur plusieurs autres stades ensuite et notamment dans le cadre de la préparation de l'Euro 2016. Cinq enceintes ont été testées : le Vélodrome rénové à Marseille, et les nouveaux stades de Nice, Bordeaux, Lyon et Lille". Munis des plans, les spécialistes du CSTB ont notamment mené des campagnes de dimensionnement au vent. Le but : faire en sorte que les structures résistent à des tempêtes comme il n'en survient que tous les 50 ans, comme le réclame l'UEFA.

 

 

Complémentarité entre simulation numérique et essais en soufflerie

 

"Aussi, pour le Vélodrome, entre 2010 et 2013 une quinzaine de configurations ont été testées pour gérer la reconstruction de la tribune Jean Bouin et l'ajout de la toiture. Il a fallu gérer les étapes de construction entre les phases de championnat", raconte l'expert. Lors de la démolition de la tribune, le comportement du reste de la structure face au mistral a été étudié, les différentiels de pression étant potentiellement importants tant que l'enceinte n'était pas à nouveau fermée. Jérôme Vinet souligne la complémentarité entre la simulation numérique et les tests en soufflerie. Avec une géométrie des stades de plus en plus complexe, les maquettes initialement réalisées en plexi sont progressivement remplacées par des modèles imprimés en 3D. "Nous avons sous-traité cette impression par frittage de poudre où un bain de polyamide durcit lorsque deux faisceaux laser se croisent. Cela permet d'obtenir des treillis très fins ou des doubles rayons de courbure et d'être plus conformes au plan architectural. De même, il est possible de créer des petits reliefs sur les surfaces et ces détails ont leur importance", poursuit-il.

 

A Nantes, deux souffleries ont été mobilisées : une soufflerie atmosphérique, capable de recréer des vents turbulents tels que ceux rencontrés en ville, qui engendrent des phénomènes de soulèvement et de compression de parties de la toiture, et une soufflerie climatique afin de tester des éléments de façade en vraie grandeur face aux éléments déchaînés (pluie, neige, givre). "Nous avons par exemple testé les tubes polycarbonate installés en double-peau du stade de Lille, afin d'éviter les phénomènes aéro-acoustiques. Les lames métalliques du Vélodrome ont aussi été testées afin de s'assurer qu'elles n'émettaient pas de sifflement désagréable", évoque Jérôme Vinet. Car le confort acoustique d'enceintes sportives également appelées à accueillir des concerts est aujourd'hui primordial. Le spécialiste liste les contraintes : "Il ne faut pas que le stade émette trop de sources sonores pour les riverains et, inversement, il ne faut pas que les sons extérieurs viennent perturber le stade".

 

Le confort des tribunes aussi important que la sécurité

 

 

D'autres aspects ont également été modélisés numériquement cette fois, comme le phénomène de propagation de la pluie dans les tribunes en fonction du vent, ou la bonne visibilité en tout point du stade. "Au Stade de France, nous avons étudié les ombres et l'éclairage naturel puis artificiel", nous dévoile le chef de projet du CSTB. La sécurité incendie, le désenfumage et l'évacuation des spectateurs en cas de sinistre ont été abordés, "notamment au stade de Lille, où la toiture vient potentiellement fermer l'enceinte". Les experts ont travaillé avec la commission des pompiers afin de dimensionner les issues de secours et la signalisation.

 

Face à tous ces défis, l'Institut Carnot-CSTB estime avoir encore amélioré ses connaissances et compétences : "Nous avons avancé dans nos méthodes de calcul mathématiques. Par exemple, nous sommes passés de 200 acquisitions par seconde sur 500 points de mesure, à 1.000 acquisitions/seconde sur 1.000 points, ce qui permet d'être beaucoup plus précis, d'avoir plus d'informations et de mieux prendre en compte la dynamique des phénomènes d'amplification locale et d'aller plus loin que des chargements quasi-statiques", assure le chef de projet. D'ores et déjà, l'équipe d'une quinzaine de personnes du CSTB, aujourd'hui rebaptisée "Vent Aéraulique Confort", planche sur d'autres projets, comme des tours de bureaux à La Défense, des gares ou des musées, afin de toujours mieux connaître le comportement des grands ouvrages.

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