Pour la première fois, l'Etat français veut définir une stratégie cohérente pour gérer son vaste patrimoine immobilier, qui jusqu'ici n'était même pas répertorié. Dans la foulée, il lève un tabou en effectuant un gros programme de cessions, notamment parmi ses bureaux.

Jean-Pierre Raffarin vient d'annoncer la création d'une "agence interministérielle dédiée à la politique immobilière de l'Etat" mais aussi que l'Etat vendra d'ici fin 2004 une "première tranche de 500 millions d'euros" de biens immobiliers. Il a aussi réaffirmé son intention de vendre au total un million de mètres carrés appartenant à l'Etat.

Jusqu'ici l'Etat français, contrairement à ses grands voisins, n'avait pas de gestion d'ensemble de son patrimoine et vendait très rarement ses biens, protégés par l'arsenal législatif qui défend le domaine public. M. Raffarin a déjà évoqué un assouplissement: "le cadre juridique actuel est inutilement rigide", a-t-il déclaré.

Autre handicap, l'absence d'un inventaire complet de l'immobilier public. Pour l'instant, seules quelques rares estimations donnent une idée du patrimoine "vendable" de l'Etat, éparpillé entre les administrations.
"L'inspection des Finances a estimé au printemps dernier que l'Etat détient 11 millions de m2 de bureaux", a expliqué à l'AFP Olivier Debains, ex-directeur financier de RFF (Réseau Férré de France), qui a été chargé par Matignon de définir le fonctionnement de la future agence.
"Je dois identifier les obstacles juridiques qui empêchent l'Etat de céder des biens, et proposer des adaptations", a ajouté M. Debains.
Il doit rendre son rapport fin novembre, pour que l'agence soit opérationnelle en fin d'année.

Cette agence, qui pourrait intégrer des professionnels venus du privé, devra être "l'outil de pilotage de la stratégie immobilière de l'Etat" et s'occuper des cessions voulues par Matignon. L'objectif affiché est de "valoriser" ce patrimoine.

Elle ne pourra travailler sans un recensement des biens, un travail titanesque heureusement déjà en cours. "La Direction des domaines travaille depuis plusieurs années à cet inventaire, qui doit s'achever fin 2004", a expliqué M. Debains.

Bercy recense de son côté ses 8.500 sites et 7 millions de m2, dont 70% de bureaux, pour identifier les bureaux des zones à forte demande, à Paris et dans les grandes villes où "l'Etat pourrait faire une bonne opération", a indiqué le ministère des Finances.

Cette manne immobilière inconnue fait rêver les professionnels, à tel point que depuis mercredi l'hôtel Matignon est bombardé d'appels d'agents immobiliers qui veulent "travailler avec l'agence immobilière de l'Etat", a indiqué une fonctionnaire de Matignon.
"Nous aimerions savoir ce qui est à vendre", a déclaré Marc Pigeon, président de la Fédération nationale des promoteurs-constructeurs. "Il y aura des immeubles, des terrains, peut-être des casernes: si on trouve des disponibilités foncières, cela ne peut être qu'intéressant pour construire et aider à résoudre la crise des logements", a-t-il dit.

Les promoteurs espèrent que la motivation de l'Etat ne sera pas seulement l'argent. "Pas les critères du plus offrant mais plutôt ceux de la qualité architecturale et de l'environnement", a commenté M. Pigeon.

"C'est une très bonne chose que l'Etat vende ses biens immobiliers, il serait bien plus simple pour lui d'être locataire que propriétaire car ses besoins évoluent et il se retrouve avec des locaux inutiles sur les bras", a renchéri Philippe Audras, président de la FNAIM (Fédération nationale de l'immobilier).

"J'espère qu'il feront appel à des professionnels compétents pour évaluer la valeur vénale. Mais il y a des locaux construits pour un but particulier, difficiles à vendre", a-t-il spéculé, sans exclure qu'un architecte inventif puisse créer un loft dans un ancien bâtiment des Douanes...

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