Iles artificielles au large des côtes, station de ski dans le désert, tour de plus de 700 mètres de hauteur en construction: l'émirat de Dubaï, dont le souverain est décédé mercredi, est devenu la ville de tous les excès, mais aussi un véritable «tigre» économique régional.

Selon des chiffres officiels publiés fin décembre, cette ville-émirat d'environ 1,2 million d'habitants sur la côte sud du Golfe, face à l'Iran, a connu en 2005 une croissance économique phénoménale de 16%.

Selon le département (ministère) du Développement économique de Dubaï, le produit intérieur brut a plus que triplé en dix ans pour atteindre 136 milliards de dirhams (37 milliards de dollars).



Cette croissance météorique est le résultat d'une stratégie de développement à marche forcée lancée il y a une vingtaine d'années par le nouveau souverain de l'émirat, cheikh Mohammad ben Rached Al-Maktoum, 56 ans, qui a automatiquement accédé au trône mercredi à la mort de son frère aîné, cheikh Maktoum ben Rached Al-Maktoum.

Cheikh Mohammad, qui gouverne l'émirat comme une véritable entreprise, «Dubai Inc.», a transformé une cité portuaire tranquille en un géant économique régional souvent comparé aux «tigres» asiatiques, notamment à la ville-Etat de Singapour.

Sa stratégie repose sur une réalité économique incontournable: contrairement à l'émirat voisin d'Abou Dhabi, qui produit plus de 90% du pétrole des Emirats arabes unis, Dubaï n'a que peu de brut. La diversification est donc une nécessité.

Le pari semble en passe d'être réussi, puisqu'en 2005, le secteur pétrolier, dont les revenus se sont accrus de 18% grâce à l'envolée des cours, ne représentait que 5,8% du PIB local.

Dubaï est devenu un centre touristique non seulement régional, mais mondial, où la compagnie aérienne locale, Emirates, amène des visiteurs à fort pouvoir d'achat qui partagent leur temps entre des hôtels cinq étoiles, les «malls» (centres commerciaux) et les parcs de loisirs du type de ceux offerts par la Floride.

Cette frénésie économique a fait de la ville, qui s'étend tout en longueur entre la mer et le désert, un gigantesque chantier où des dizaines de milliers d'ouvriers asiatiques sous-payés et exploités «s'échinent» jour et nuit pour mener à bien des projets démesurés.

Le plus audacieux est sans doute «The World» (Le Monde), un ensemble de quelque 300 îles à quelques kilomètres des côtes qui, vues d'avion, ont la forme d'un planisphère. Le prix moyen de chacune d'entre elles est de 25 millions de dollars...

Juste en face s'élève le «Burj al-Arab», un hôtel d'un luxe tapageur qui se présente comme le seul «7 étoiles» du monde. Malgré un prix moyen de 6.000 dirhams (près de 1.650 USD) la nuit, l'hôtel était complet pour les fêtes de fin d'année, avec une clientèle majoritairement européenne.

Pour sa part, la société Emaar, contrôlée par l'émirat de Dubaï, construit «Burj Dubai», une tour dont la hauteur exacte, gardée secrète, sera supérieure à 700 mètres, ce qui en fera la plus haute du monde.

Il y aussi, bien sûr, la station de ski inaugurée le mois dernier dans un centre commercial.

Ce boom économique, sans équivalent dans la région, a fait de Dubaï une sorte d'Eldorado pour les pays d'Asie du sud-ouest, notamment l'Inde et le Pakistan.

Au point que les Emiratis représentent moins de 20% de la population de Dubaï, contre plus de 60% d'Asiatiques.

Mais ce «miracle» économique a son revers. L'année passée a ainsi vu l'apparition et la multiplication d'un phénomène inédit à Dubaï, où les syndicats sont interdits et où la loi du marché règne sans partage et sans pitié: les grèves, notamment sur les chantiers de construction.

La révélation des conditions de travail et de vie sordides de ces travailleurs étrangers, qui gagnent parfois moins de 200 USD par mois, a commencé à ternir l'image bien propre que s'est bâtie l'émirat, amenant les autorités à commencer à mettre de l'ordre dans ce secteur.

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