ÉCONOMIE. À l'occasion de leur 12e anniversaire, les services de la médiation des entreprises - rattachés à Bercy - dressent un bilan de leur action à destination des professionnels. Après avoir enregistré une explosion des saisines pendant la crise du Covid, le Médiateur reste sur ses gardes dans le contexte de la guerre en Ukraine et des répercussions sur l'économie française, et notamment sur les entreprises du bâtiment.

Un anniversaire marqué par une charge de travail toujours assez importante : en cette mi-mars, le Médiateur des entreprises a soufflé ses 12 bougies en dressant un bilan de son action à destination des professionnels. Comme l'a rappelé Pierre Pelouzet, actuel Médiateur des entreprises récemment reconduit dans ses fonctions, c'est effectivement en 2008 que le Médiateur du crédit a convaincu le président de la République de l'époque, Nicolas Sarkozy, de créer un premier service de médiation entre entreprises, avec l'intuition que les acteurs économiques ne sortiraient de la crise financière de 2008 qu'avec "du dialogue et de la solidarité". Depuis, il y a eu "une progression considérable au niveau des équipes et des outils de médiation, non seulement pour guérir mais aussi pour prévenir, avec des outils incitant au changement de comportement entre acteurs économiques", a expliqué Pierre Pelouzet.

 

 

Avec la crise du Covid, les équipes n'ont pas vraiment chômé : "Le Médiateur des entreprises a vu une multiplication par quatre de son activité", a poursuivi son directeur général, Nicolas Mohr, ajoutant que 98% des presque 10.000 sollicitations reçues pendant l'exercice 2020 provenaient de TPE-PME (petites et moyennes entreprises), notamment "des entreprises du bâtiment spécialisées dans la rénovation, qui ont beaucoup demandé des outils de prévention et de médiation". La situation s'est un peu calmée en 2021, avec "seulement" 5.200 saisines, soit moitié moins qu'au plus fort de la crise sanitaire.

 

Un accord a pu être trouvé dans 7 cas sur 10

 

On reste en revanche encore très loin du faible niveau de l'année 2019, qui n'avait compté que 2.300 demandes de médiation. Mais le recours à ces services semble bel et bien constituer une solution intéressante pour les entreprises puisque un accord a pu être trouvé dans 7 cas sur 10. La nature des demandes n'a toutefois pas beaucoup changé entre 2020 et 2021 : environ 50% de celles reçues l'année dernière ont porté sur "les mesures de soutien financier aux entreprises", 30% ont concerné "des difficultés d'exécution contractuelle, en particulier les règlements des loyers", et 25% ont fait l'objet "de réorientations vers d'autres structures", comme la Médiation du crédit.

 

L'action du Médiateur des entreprises s'est aussi plus spécifiquement déclinée auprès du bâtiment et des travaux publics, qui ne sont pas épargnés depuis la reprise économique post-Covid. Entre les difficultés d'approvisionnement, voire les pénuries de certains matériaux, et l'inflation qui va avec, en passant par la flambée des prix des énergies (électricité, gaz, pétrole), les professionnels sont soumis à rude épreuve. Ce constat avait alors motivé le Gouvernement à demander au Médiateur de mettre en place un comité de crise propre au BTP, ainsi qu'une médiation de filière "associant industriels, transformateurs, distributeurs, entreprises de travaux et maîtres d'ouvrage".

 

Court terme pour le comité de crise, long terme pour la médiation de filière

 

Le comité, toujours actif à l'heure qu'il est, est chargé de faire remonter "les noms des acteurs structurants de la filière ayant des comportements 'non-solidaires' et mettant en difficulté avérée des entreprises ou des chantiers", détaille Bercy. Les équipes de médiation prennent alors le relais "en appelant directement" les patrons de ces entreprises ou administrations pour leur demander "de changer de comportement". La médiation de filière planche de son côté sur les bonnes pratiques à mettre en oeuvre pour améliorer les relations entre acteurs "à moyen terme".

 

Le champ d'action de ce comité de crise a été élargi des délais de paiement aux tensions d'approvisionnement en janvier dernier, en intégrant cette fois dans la boucle la Médiation du crédit, les organisations patronales (Afep, CPME, Medef, U2P), les réseaux consulaires CMA et CMI ainsi que la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Là aussi, le comité travaille de près avec le secteur du BTP pour repérer les comportements "anormaux", les faire remonter et chercher "en toute confidentialité" des solutions "équilibrées", tout en mettant en valeur les comportements solidaires ainsi que les bonnes pratiques, "notamment en termes d'achats responsables".

 

"Un changement de culture accéléré par la crise"

 

Car la situation actuelle implique que chaque acteur prenne ses responsabilités : "Après une vingtaine de jours de conflit en Ukraine, le bâtiment en subit déjà les conséquences, au niveau énergétique et au niveau des produits comme l'acier, les briques, les tuiles, les carrelages... Ce qui remet sur la table la question de la réindexation des prix et de la revalorisation des contrats", a prévenu Olivier Salleron, le président de la FFB (Fédération française du bâtiment). Poursuivant : "On a pris trois lames : d'abord le Covid, ensuite la désorganisation liée à la reprise mondiale, avec l'augmentation des cours des matières premières et des énergies, et maintenant la guerre en Ukraine et les tensions sur certains produits". S'ils ont su jusqu'à présent retomber sur leurs pieds, les professionnels du secteur vont donc encore devoir faire preuve d'agilité et de résilience.

 

Une inquiétude partagée par la CPME : "On craint un effet ciseaux à cause de la guerre en Ukraine, dans la mesure où beaucoup d'entreprises ont de l'activité mais commencent aussi à renier leurs marges", a abondé le président de la confédération, François Asselin, soulignant que "le secteur du bâtiment est très exposé du fait des fournitures des industriels".

 

 

Face à ces risques, le Médiateur des entreprises ne se ferme aucune porte : "On réfléchit à de nouveaux outils en rapport avec la crise ukrainienne. Il n'est pas exclu qu'on propose des dispositifs complémentaires dans les prochaines semaines, dans les prochains mois", a assuré Pierre Pelouzet. "Il est certain que notre mission ne va pas s'éteindre, et qu'au contraire même elle va s'amplifier dans les mois qui viennent. Nous allons voir comment faire pour que chacun bénéficie des aides, pour que chacun puisse s'en sortir, car personne n'a intérêt à laisser tomber ses fournisseurs, ses clients ; c'est cela que l'on appelle la solidarité économique."

 

Pour le Médiateur des entreprises, l'économie est plus largement rentrée "dans un changement de culture accéléré par la crise", et pour lequel un accompagnement des professionnels va s'imposer.

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