COMPARATIF. Lors d'une présentation à Paris du 4e rapport sur le mal-logement en Europe, la Fondation Abbé Pierre et la Feantsa (Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abris) ont livré un classement des pays européens confrontés au mal-logement, reflet d'une difficulté à se loger qui traverse l'Union.

Si les pays de l'Est semblent encore épargnés par la flambée des prix du logement, par rapport à leurs voisins de l'Ouest, du Nord et du Sud, les observateurs s'accordent sur l'idée d'une crise du logement qui traverse tous les États-membres. Un constat partagé par Laurent Ghekiere, représentant de l'Union sociale pour l'habitat auprès de l'Union européenne, qui décrit "une crise du logement abordable dans toute l'Europe, née de la crise immobilière de 2008 et d'un phénomène de métropolisation".

 

Un premier chiffre illustre cette asphyxie du secteur, celui des dépenses liées au logement (loyer, eau, électricité, gaz…) que la Fondation Abbé Pierre et la Feantsa considèrent comme des "dérapages incontrôlés". Ainsi, les ménages européens ont consacré en moyenne 24,2% de leurs dépenses au logement et commodités associées. Les pays où l'on accorde la plus grande part des revenus au paiement du loyer ou à l'emprunt immobilier sont la Finlande, le Danemark, et le Royaume-Uni suivi de près par la France (26,2%).

 

L'accès au logement creuse les inégalités

 

Mais en déplaçant le curseur sur la part des dépenses pour le logement sur le revenu disponible, le premier classement est chamboulé, et élève la Grèce au premier rang avec une proportion de dépenses supérieure à 40% des revenus. Il s'agit là d'un pourcentage sur la population globale, et qui, comparé aux autres États-membres, ne révèle pas d'écart flagrant.

 

A contrario, la différence entre les dépenses concédées par des ménages pauvres et la population totale est nettement plus marquée. Les foyers modestes dédient ainsi plus de 70% de leur revenu à leur logement en Grèce, 60% au Danemark et 47% en Allemagne, quand la moyenne de la population voit ces pourcentages divisés par deux.

 

Pour rappel, le taux d'effort des ménages est considéré comme "excessif", dès lors qu'il franchit la barre des 40%. Selon le rapport des deux organisations de lutte contre le mal-logement, "38%" des ménages pauvres affichaient un taux d'effort excessif pour se loger. En 2017, la taux d'effort de la population grecque était de 39,6%, en hausse de 150,6% sur dix ans.

 


 

Des incitations fiscales qui ne créent pas de logement abordable

 

Depuis 2007, la courbe européenne des dépenses liées au logement poursuit son ascension et pourrait se superposer aux tendances baissières des dépenses publiques consacrées à ce secteur. Au sein de l'Union européenne, "les administrations publiques ont dépensé 27,3 milliards d'euros pour le développement immobilier et 73,7 milliards d'euros pour les aides au logement", d'après les données Eurostat.

 

La Fondation Abbé Pierre et la Feantsa regrettent par ailleurs que ces dépenses publiques profitent en grande partie aux programmes de défiscalisation, principalement adressés aux propriétaires. Les deux organisations s'appuient notamment sur un rapport de la Banque mondiale de novembre 2018, qui estime que les dispositifs d'incitation fiscale sont "ineffectifs pour assurer le caractère abordable du logement pour ceux qui en ont le plus besoin".

 

Cette pénurie n'épargne pas non plus les champions des dépenses pour le logement, dont la France fait partie avec le Royaume-Uni. Alors qu'il est traversé par un recul de la construction, et d'une importante problématique d'habitat indigne, l'hexagone est moins impacté que certains de ses voisins de l'est ou du sud de l'Europe.

 


 

En matière d'habitat indigne, la France - où le parc privé potentiellement indigné a été chiffré à 600.000 logements par la Fondation Abbé Pierre (420.000 selon l'Etat) - est loin derrière ses voisins roumains, hongrois ou italiens. Des critères d'indignité comme le surpeuplement ou la privation de confort primaire sont même en recul depuis 2007, à l'exception de la précarité énergétique qui a augmenté de 6,5%.

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