Plusieurs entreprises françaises de premier plan sont engagées dans une course contre la montre pour ériger à Saint-Pétersbourg une "Tour de la Paix" controversée, qui pourrait être inaugurée à l'occasion du tricentenaire de la ville russe fin mai.

La construction, conçue par l'artiste Clara Halter et l'architecte Jean-Michel Wilmotte, et inspirée de leur "Mur de la Paix" installé près de la Tour Eiffel à Paris, s'inscrit dans les manifestations proposées par la France dans le cadre du jubilé auquel le Kremlin entend donner une résonance mondiale en réunissant les principaux dirigeants de la planète.

Le constructeur Vinci assure la coordination des travaux et le génie civil, le sidérurgiste Arcelor fournit l'acier inoxydable pour habiller le socle de ce qui doit être une tour faite de deux parois de verre convexes de 18 mètres de haut, l'avionneur Airbus doit couvrir les frais de la gravure dans le verre du mot "paix" en cinquante langues, tandis qu'Electricité de France se charge de l'éclairage.

A peine née, l'entreprise a suscité des controverses. Dans les milieux français en Russie, on s'interroge sur le fait qu'un des grands projets choisis pour le tricentenaire, soit celui de l'épouse du commissaire chargé de la participation française au jubilé, l'écrivain Marek Halter. Certes, observe-t-on dans ces milieux, il s'agit d'un "projet privé" (estimé par ses auteurs à 3 millions d'euros) réalisé par des sponsors et qui ne coûte pas un euro au contribuable français. Paris n'a donc pas émis d'objections à son sujet, selon une source bien informée.

Et le président français Jacques Chirac, qui viendra à Saint-Pétersbourg en même temps qu'une trentaine d'autres dirigeants étrangers, devrait inaugurer la Tour, a affirmé Marek Halter à l'AFP lors d'un passage à Moscou. "Les techniciens disent qu'il est possible de construire la tour à temps", dit l'écrivain. Mais des experts proches du dossier ont indiqué en privé à l'AFP qu'avec un grand nombre de sponsors il n'était pas facile de recueillir les fonds pour payer les sous-traitants russes et que des problèmes administratifs étaient toujours à craindre.

Symbolisme contre pragmatisme

Selon Halter, le futur monument aura une double valeur symbolique: la transparence et la lumière (il sera prolongé par deux puissants rayons de projecteurs s'élevant dans le ciel) et l'engagement pour la paix: sur le socle en granit on vissera des plaquettes en acier marquant l'engagement pour la paix des nombreux chefs d'Etat étrangers visitant la ville dont M. Poutine est originaire.

Mais le choix de le bâtir place Sennaïa, près du centre-ville, approuvé par le gouverneur de Saint-Pétersbourg Vladimir Iakovlev, a suscité les critiques des médias et des urbanistes locaux. Pour Mme Elena Solovieva, professeur à l'Institut d'architecture, il aurait mieux valu installer la tour dans les nouveaux quartiers. "Si les Français veulent faire un cadeau à Saint-Pétersbourg, merci, nous sommes reconnaissants, mais il ne faut pas qu'il mette en danger l'atmosphère architecturale unique de la ville", dit-elle.

Un hebdomadaire de Saint-Pétersbourg, Tchas Pik, a été plus dur encore, dénonçant une "initiative familiale" et déclarant que les Français auraient mieux fait de construire "une station électrique" ou de "rénover un vieil immeuble" dans le quartier. Le programme français du jubilé prévoit notamment la présentation du Cabinet de Voltaire, un fonds de 7.000 documents acquis par Catherine II, une rétrospective d'?uvres de Nicolas de Staël, peintre français d'origine russe, un colloque intitulé "de Diderot à nos jours", et un forum économique.

actionclactionfp