Véritable source de profits pour certains, ce que l'on appelle communément la contrefaçon crée du tort aux entreprises du BTP non seulement en termes financiers, mais aussi de sécurité. Devant l'ampleur du phénomène, le secteur du BTP ne lâche rien et continue de mettre en place des actions. Explications.

Lorsque l'on parle de contrefaçon, on pense immanquablement aux sacs Chanel et autres lunettes Gucci, objets de luxe régulièrement épinglés par les douanes. Mais depuis quelques années, le phénomène s'étend à tous les domaines d'activité, y compris le BTP.

 

Ce mal, qui coûte 1,5 milliard d'euros au Bâtiment (en 2011), a même tendance à s'amplifier ces dernières années. Pour preuve, au mois de mars 2015, le groupe Terex a alerté sur la contrefaçon de ses grues sur chenille provenant de Corée du Sud et les douanes françaises ont saisi 182.000 détecteurs de fumée défectueux au Havre. Encore plus récemment, sur le salon Intermat qui s'est tenu du 20 au 25 avril derniers, une saisie de matériel contrefait a été effectuée in situ. Des exemples qui montrent bien l'ampleur du phénomène. Robinets, vitrages, quincailleries, disjoncteurs, EPI, vannes d'arrêt… toutes les catégories de produits sont concernées. "Ce problème commence à préoccuper les entrepreneurs. Différents témoignages nous parviennent de l'artisan à la grande entreprise", explique Alain Piquet, le président de la Commission Marchés à la FFB. Et pour eux, les conséquences sont lourdes : "Cela peut aller jusque la mise en cause pénale des dirigeants et la perte de confiance des clients", renchérit Gérard Boulanger, conseiller en charge du dossier contrefaçon à la FFB. Cette confiance si précieuse qui parfois freine les entreprises à prendre la parole de crainte d'être accusées d'incompétence. "Ce n'est pas une maladie honteuse ! Le pire est l'omerta", clame Gérard Boulanger. Parler pour mobiliser davantage d'acteurs. Car les risques de ces non-conformités sont nombreux et peuvent parfois se révéler très graves en termes d'accidentologie que ce soit pour des utilisateurs-travailleurs ou des consommateurs.

Attention aux prix anormalement bas

Afin d'enrayer le problème, les organismes et organisations du BTP tentent d'éveiller les consciences. En 2013, lors du salon Batimat, la Fédération française du Bâtiment avait mis en avant cette thématique sur son stand. "C'est un travail de longue haleine, mais progressivement, artisans, négoces, dirigeants remontent leurs soucis à leurs fournisseurs", note Alain Piquet. Les fédérations rappellent régulièrement de se méfier des prix anormalement bas, de sites internet "exotiques" et des produits non-étiquetés : "Choisir des loueurs de notoriété peut également être un critère de sélection car nous n'avons pas l'habitude d'aller chercher du low-cost", précise Jean-Philippe Theuriot, directeur matériel chez Loxam lors d'une conférence sur la salon Intermat. Entre non-conformité et dangerosité, la vigilance est de mise, notamment "sur les pièces détachées et les produit de négoce", tient à souligner Jean-Philippe Theuriot. Afin d'améliorer et d'aider les douaniers dans leur travail, le Cisma a mis en place des brochures, tout comme la FFB qui a rédigé des fiches techniques de mise en garde à destination des professionnels et lancé un observatoire pour échanger des informations et des bonnes pratiques. A cela s'ajoute le marquage CE, véritable engagement du constructeur ou fabricant à respecter les directives. "Attention tout de même, on a pu observer des détournements du graphisme "CE" ", déplore Gilles Margot de l'OPPBTP. Et de poursuivre : "De même, nous avons vu une recrudescence d'achat de machines grand public pour le secteur professionnel. Ce qui n'est pas forcément de bon augure car le niveau d'exigence n'est pas identique". Parmi les autres préconisations : la certification et une politique d'achat sécurisée. A cet effet, une charte a été signée par la FFB et la fédération du négoce bois matériaux en 2013.

Bientôt un guide didactique

Autant de dispositions qui visent à prévenir les risques. Car si rien n'est mis en œuvre, la probabilité à l'horizon 2020* d'être touché par la contrefaçon par rapport à une entreprise d'un autre corps d'état devrait être 58 fois plus importante pour une entreprise de gros œuvre, 122 fois pour une entreprise de menuiserie-charpente, et 232 fois pour une entreprise de couverture, plomberie, génie climatique. Des projections inquiétantes, mais les fédérations se montrent combatives. Au mois de mai, la FFB fera paraître une guide pédagogique de 12 questions pour déclencher une prise de conscience. "Personne ne pourra dire, on n'est pas au courant", conclut Alain Piquet.

 

Quelques chiffres sur la contrefaçon dans le bâtiment

 

Le montant de la contrefaçon est estimé à 1,5 milliard d'euros dans la Bâtiment (en 2011).

 

Les saisies de contrefaçons par les douanes françaises ont été multipliées par 45 entre 1994 et 2011, s'élevant l'an passé à 8,9 millions d'articles (+ 42 % par rapport à 2010) de papeterie (2,1 millions), de vêtements et chaussures (1,9) et de bricolage (1,3).

 

L'Asie représente 66% de l'origine des biens contrefaits saisis aux frontières de l'Union Européenne en 2010.

 

Source : FFB

 

* Méthode statistique de la regression Probit retenue par l'Ensae

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