CONTROVERSE. L'Ordre des architectes a alerté le ministère de la Culture sur la démolition de résidences du Mirail, un quartier populaire du chef-lieu de la région Occitanie. Pour lui, cette opération est à la fois une "erreur écologique" et un "gâchis patrimonial".

La destruction de cinq résidences dans le quartier de la Reynerie, à Toulouse, fait polémique. Un projet de rénovation urbaine en cours prévoit la démolition de ces immeubles de logements construits dans les années 1970 au Mirail par l'équipe d'architectes et d'urbanistes menés par l'architecte George Candilis. Une affaire qu'a décidé de porter Christine Leconte, présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes (Cnoa), qui a adressé le 1er avril 2022 une lettre à la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, lui demandant de trouver une "solution alternative". Ces résidences de logements comportent un "caractère architectural remarquable" et des qualités "singulières", affirme Christine Leconte, dans son courrier.

 

 

La destruction de cet ensemble "qui a marqué l'époque et le territoire, a ému un grand nombre d'habitants, d'acteurs locaux et d'architectes (dont trois titulaires du Grand prix national de l'architecture), ainsi que de l'association Docomomo, qui vous ont déjà alertée sur le gâchis patrimonial, écologique et humain d'une telle démolition", écrit la porte-parole de l'Ordre, rappelant que la ministre avait affirmé, dans un discours en octobre dernier, qu'à "chaque fois qu'un bâtiment est détruit, c'est un morceau du passé dont nous nous coupons". Christine Leconte prie la ministre d'intervenir auprès du président de la métropole de Toulouse pour suspendre les opérations, le temps de mandater des experts et de dessiner une alternative.

 

"Un exemple remarquable"

 

L'architecte DPLG, lauréate du palmarès des jeunes urbanistes 2010, qualifie les bâtiments menacés de Toulouse d'architecture "de l'ordinaire exceptionnelle" et souligne dans sa lettre la "qualité" des plans de ces logements, "la générosité des espaces, les séjours traversants, les espaces extérieurs, les possibilités d'adaptation, l'éclairage naturel, et, d'une manière générale, l'inventivité et l'innovation dans leur conception". Et ce, malgré un bâti vieillissant et une dégradation constatée des espaces communs. Les qualités citées par Christine Leconte font partie des critères requis pour les futurs logements neufs, rappelle-t-elle. "De telles mesures ont été rendues nécessaires pour réagir à la dégradation de l'habitat construit ces vingt dernières années, oublieux justement des qualités dont les résidences du Mirail avaient été, et sont toujours, un exemple remarquable."

 

En outre, la présidente du Cnoa renchérit en démontrant que cette démolition représenterait une "erreur écologique" car le projet prévoit de reconstruire autant de nouveaux logements (971, contre 961 actuellement). Elle rappelle que la "dette carbone" des bâtiments de George Candilis a aujourd'hui été amortie, alors que la construction d'un ouvrage, "même aux meilleures normes actuelles, représente environ 60% de son bilan écologique, sur l'ensemble de son cycle de vie". Elle privilégie ainsi une réhabilitation plutôt qu'une construction, pour un meilleur bilan écologique, à l'image de l'opération de rénovation du Grand Parc à Bordeaux. Surtout, une réhabilitation éviterait, selon elle, la production de déchets et la fabrication de nouveaux matériaux, à l'instar de béton et de ciment.

 

 

D'autres bâtiments visés

 

D'autres architectes s'opposent fermement au projet de destruction de ces barres d'immeubles. Des professionnels habitant la région ont de ce fait monté un collectif, baptisé Candilis, pour manifester leur mécontentement et proposer une réhabilitation des bâtiments. En France, le Mirail n'est pas la seule opération à diviser les opinions. Le projet de réhabilitation de la cité-jardin de la Butte-Rouge à Châtenay-Malabry, dans les Hauts-de-Seine, ou encore la tour du siège de l'Insee à Malakoff, font partie des projets architecturaux visés par des destructions. Christine Leconte appelle, de préférence, à "construire une approche politique et culturelle globale pour le devenir du patrimoine architectural du XXème siècle".

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