Les Bordelais marchent plus, pédalent plus, achètent plus, mais moins souvent dans les commerces du centre... les grands chantiers d'aménagement qui éventrent la capitale du sud-ouest après des décennies d'immobilisme bouleversent les habitudes des habitants. Reportage.

De tranchées en palissades et en déviations, la traversée de la ville relève du parcours du combattant: aux travaux de construction du tramway qui courent sur plusieurs kilomètres, s'ajoutent l'aménagement des quais, le creusement de nouveaux parkings et de multiples opérations immobilières.

La confusion est telle que les services municipaux ne peuvent fournir le nombre de chantiers en cours. "Entre les gros et les petits, les provisoires et ceux de longue durée, il est impossible de donner une image exacte de la situation", selon le service communication.

Début septembre, après une série d'embouteillages qui avaient paralysé le centre-ville, Alain Juppé, le député-maire (UMP) de Bordeaux qui s'est lui-même mis au vélo depuis la rentrée, avait appelé ses concitoyens à ne pas "céder au catastrophisme" face aux travaux qui conduiront à l'ouverture de la première ligne de tramway à l'été 2003.

Cependant, depuis que le chantier du tramway touche le coeur de la ville, "la fréquentation baisse et le mécontentement des commerçants devient perceptible", selon Wolf Stolpner, le président de la Fédération du commerce bordelais.

Dans le centre, plus du tiers des entreprises ont perdu plus de 20% de leur chiffre d'affaires et un autre tiers se trouve en situation négative, selon une récente étude effectuée par la Chambre de Commerce et d'Industrie (CCI) en liaison avec la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB).

Seuls sont épargnés les commerces de proximité et ceux de forte notoriété, comme la librairie Mollat, véritable institution locale qui a même vu ses ventes progresser depuis l'an dernier.

Autre consolation, si par crainte des embouteillages les consommateurs évitent de venir au centre-ville, ceux qui viennent dépensent plus, selon l'étude de la CCI.

Du fait des travaux, les automobilistes aussi ont modifié leurs habitudes: dans cette ville où circulent chaque jour un million de véhicules, un conducteur sur trois a changé d'itinéraire et/ou d'horaires ces derniers mois, selon une récente étude de la CUB.

Car certains parcours qui s'effectuaient autrefois en vingt minutes peuvent prendre plus d'une heure en période de pointe. Et, des pompiers aux médecins et aux policiers qui escortent les détenus au tribunal, toutes les professions doivent s'adapter aux difficultés de déplacement.

A terme, l'objectif des urbanistes est de dissuader le maximum d'automobilistes afin de rendre la cité plus humaine. Déjà, les habitants de l'hyper-centre se sont mis à la marche et le nombres de cyclistes a augmenté de façon phénoménale dans une ville jusque là peu adepte du deux roues.

Signe de cet engouement, les locations gratuites de vélos offertes par la municipalité bordelaise connaissent un succès sans précédent, avec plus de 10.000 contrats de location l'an dernier.

Les vols de bicyclettes connaissent aussi une "croissance exponentielle", selon la police. Et si les bouchons ont considérablement accru l'incivilité des conducteurs bordelais, ils ont aussi permis une chute spectaculaire des excès de vitesse en ville.

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