Des chercheurs du CNRS travaillent à l'élaboration de super-isolants issus de déchets agroalimentaires se présentant sous la forme d'aérogels, ces matériaux poreux très légers et à très basse conductivité thermique. Le docteur Tatiana Budtova, du Cemef, nous révèle les détails de ce programme de recherches distingué par l'Ademe.

Les aérogels sont des matériaux légers et poreux, dont la taille des pores détermine la qualité. Lorsqu'ils mesurent quelques dizaines de nanomètres (soit quelques milliardièmes de mètre), ils présentent des caractéristiques très intéressantes en termes de conductivité thermique. La valeur, très basse, est inférieure même à celle de l'air, ce qui en fait un produit intéressant pour l'isolation. "Les aérogels à base de silice sont déjà bien connus, ils ont été découverts dans les années 1930", nous explique le docteur Tatiana Budtova, enseignante au Centre de mise en forme des matériaux (Cemef) de l'école Mines ParisTech. "Mais ils sont très fragiles mécaniquement. Il y a donc beaucoup de recherches sur le sujet. Pour notre part, nous travaillons sur les matériaux biosourcés, issus d'amidon, de cellulose ou de pectine", poursuit-elle.

De bonnes caractéristiques mécaniques et thermiques

Aéropectine
Aéropectine © Cemef
"La pectine est un polymère provenant notamment des zestes d'oranges et de citrons. C'est un agent gélifiant, couramment utilisé dans l'industrie agro-alimentaire", détaille la chercheuse. En appliquant à ce polymère biosourcé les méthodes de production des aérogels, les scientifiques ont produit l'aéropectine, qui présente aussi d'excellentes qualités d'isolation mais surtout de bonnes caractéristiques de résistance mécanique. "Sa production n'est pas plus compliquée que celle de l'aérogel de silice. Donc oui, elle est encore chère, car il y a une phase de séchage où le solvant est extrait en condition supercritique, mais nous travaillons sur le procédé pour l'améliorer", raconte Tatiana Budtova. En ligne de mire : l'utilisation de déchets de l'industrie agro-alimentaire pour produire un isolant utilisable dans le bâtiment. "Le matériaux est biosourcé, biocompatible, biodégradable. Il n'implique pas d'éléments toxiques du tout", précise la scientifique.

Une initiative récompensée par l'Ademe

Différents industriels se montrent intéressés par ce projet, dont EDF, qui le suit "de très près". Un atelier portant sur la question sera même organisé le 18 mars prochain lors d'un séminaire. Dans le cadre du salon Pollutec, l'Ademe a déjà distingué les recherches sur ce procédé, en remettant à Tatiana Budtova le Prix Ademe des Techniques innovantes pour l'Environnement. Les travaux, financés par l'Agence Nationale de Recherche et la Commission européenne, et menés à l'Unité mixte 7635 du CNRS en collaboration avec le centre Persée de Mines ParisTech, n'en sont qu'à leurs débuts. Car le matériau présente encore un gros inconvénient : il est très hydrophile et absorbe l'humidité de l'air… "Nous travaillons sur son hydrophobisation", nous révèle la scientifique. "Nous nous intéressons aussi sur d'autres polymères biosourcés, à base d'amidon ou d'algues, qui présentent également de bons résultats", conclut-elle. De quoi peut-être, un jour, imaginer des isolants trois à cinq fois plus minces que les produits actuels et tout aussi performants.

 

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