CONFORT. Lors du "Daylight Symposium" et du "Healthy Buildings Day" organisés par le groupe Velux à Paris les 9 et 10 octobre 2019, architectes, chercheurs et professionnels du bâtiment ont échangé sur les problématiques et les enjeux de la qualité de l'air intérieur et de la lumière naturelle. Les résultats de l'édition 2019 du Baromètre de l'habitat sain ont également été publiés à cette occasion.

Quelque 500 architectes, chercheurs et professionnels du bâtiment ont participé les 9 et 10 octobre 2019 à deux évènements organisés par le fabricant de fenêtres de toit Velux à Paris, le "Daylight Symposium" et le "Healthy Buildings Day". Objectif : débattre et échanger autour des problématiques et des enjeux du bâtiment sain, en lien avec la lumière naturelle et la qualité de l'air intérieur. D'emblée, les spécialistes présents ont insisté sur la passerelle existant entre le bâti et la santé : "Les bâtiments ont une incidence considérable sur notre santé et notre bien-être", a ainsi affirmé Lone Feifer, architecte et responsable du "Healthy Buildings Day". "Nous devons être conscients de l'influence majeure qu'ils exercent, définir clairement les caractéristiques d'une conception centrée sur l'utilisateur, et chiffrer la valeur réelle qui en découle." Pour ce faire, des architectes de différents pays intègrent déjà les questions de santé et de confort dès l'étape de conception : à titre d'exemple, l'agence Nomade Architectes a dessiné des projets de logements, d'écoles et d'établissements recevant du public au sein desquels la lumière naturelle est placée au centre des préoccupations.

 

 

"La lumière en architecture, c'est l'architecture révélée, c'est ce qui la fait exister par contraste", assure Nicolas Michelin, fondateur de l'agence d'architecture et d'urbanisme Anma. "C'est ce qui permet à l'ombre de s'affirmer et à nos yeux d'apprécier les volumes."

 

Généraliser les cas particuliers

 

Globalement, la lumière naturelle occupe une place prépondérante dans les conceptions architecturales depuis les années 1990. Les participants aux évènements ont notamment cité la couverture des arènes de Nîmes, la construction de l'école d'art de Limoges, les réhabilitations du théâtre de Châtenay-Malabry et de la bibliothèque universitaire de Strasbourg, la galerie Artem à Nancy ou certaines typologies inédites de logements, à l'instar des atriums de Bordeaux. Mais dans tous les cas, il faut envisager de passer de cas particuliers à une "industrialisation" des procédés, de sorte que tous les acteurs s'y retrouvent. La société Great Gulf est spécialisée dans la promotion immobilière et tente de concilier protection de l'environnement et préservation des ressources naturelles, avec amélioration du confort de l'habitat : "La question n'est plus de savoir si les propriétaires de logements y sont favorables, mais comment nous pouvons faire de ces bâtiments sains des réussites commerciales, et faire en sorte qu'ils deviennent abordables à tous", a jugé Tad Putyra, président de la société.

 

Un pari qui semble atteignable pour Morten Chrone, de l'entreprise HusCompagniet, laquelle a construit plus de 20.000 maisons individuelles au Danemark, en Suède et en Allemagne : "L'habitabilité, le confort et le bien-être sont devenus des paramètres indispensables pour la plupart des propriétaires auxquels nous parlons, lorsque nous engageons le dialogue avec eux sur la maison de leurs rêves. A cet égard, ils mentionnent souvent la qualité de la lumière naturelle ainsi que des espaces de vie sains", explique-t-il. Le critère économique serait donc celui sur lequel jouer en priorité pour inciter davantage de particuliers à penser différemment la conception de leurs habitations : "Mais ils sont nombreux à considérer que de tels atouts dépassent largement leur budget. Ils sont pourtant agréablement surpris lorsque nous abordons la question du prix."

 

En Europe, 1 enfant sur 3 vit dans des logements insalubres

 

L'organisation de ces deux évènements coïncidait avec la publication du Baromètre annuel de l'habitat sain, qui s'est focalisé pour sa cinquième édition sur les enfants. En effet, les professionnels estiment que cette classe d'âge est particulièrement exposée aux risques induits par une mauvaise qualité de l'air intérieur et par un manque de lumière naturelle. Les principales conclusions de l'enquête sont pour le moins inquiétantes : en Europe, 1 enfant de moins de 15 ans sur 3, soit 26 millions de personnes, vit dans des bâtiments insalubres. Ces enfants sont ainsi exposés à quatre facteurs de risques : l'humidité ou les moisissures, le manque de luminosité, le bruit et le froid. Des facteurs de risques qui multiplient par 4,2 les problèmes de santé des enfants (eczéma, toux, souffle court, asthme, allergies et troubles respiratoires), engendrant ainsi environ deux millions de jours de classe manqués chaque année. Pourtant, si la qualité de l'air des logements était améliorée, les élèves pourraient bénéficier d'un gain de 15% de leurs performances à l'école.

 

Comment y parvenir ? En garantissant une meilleure aération, en réduisant les sources d'humidité ou de moisissures, en limitant les agressions sonores, en faisant davantage rentrer de lumière et en conférant une température intérieure plus stable et plus agréable. D'après les calculs du baromètre Velux, les efforts déployés pour rendre les bâtiments plus sains seraient par extension bénéfiques à l'économie, et permettraient de générer plus de 300 milliards d'euros en Europe d'ici à 2060.

 

"Il est indispensable de décarboner le parc de logements en Europe, afin d'atteindre nos objectifs en termes de durabilité et de climat", a souligné le député européen Morten Helveg Petersen, par ailleurs vice-président de la commission parlementaire de l'industrie, de la recherche et de l'énergie. "Le baromètre de cette année nous montre qu'une modernisation de nos bâtiments génère non seulement des retombées économiques favorables liées à la réduction de la facture énergétique, mais qu'elle stimule également l'économie européenne en palliant les carences des bâtiments qui affectent la santé de nos enfants."

 

Les péri-urbains aux revenus plus faibles sont davantage impactés

 

 

Toujours selon le baromètre Velux, 40% des écoles françaises possèderaient au moins une salle de classe dans laquelle le renouvellement de l'air est insuffisant au regard de son occupation. Les établissements scolaires comme les crèches sont plus largement confrontés à la formation de moisissures, à un manque de lumière naturelle, à des bruits gênants et à une qualité de l'air intérieur médiocre. De plus, plusieurs polluants intérieurs présents en milieu scolaire auraient des effets potentiellement néfastes : dus à certains matériaux de construction, à des produits d'entretien, à des peintures ou même à des activités basiques comme le coloriage ou le collage, ils se déplaceraient ainsi dans l'air ambiant.

 

Mais les enfants ne sont pas les seuls à être plus exposés : dans les zones périurbaines, les maisons individuelles affichent un environnement intérieur souvent insalubre, qui expose leurs habitants à des problèmes de santé, adultes comme enfants. Les spécialistes s'alarment de ce constat dans la mesure où le phénomène de périurbanisation a bondi de 47% en Europe entre 1961 et 2011, contre +30% pour le phénomène d'urbanisation. Qui plus est, les enfants issus de familles à faibles revenus sont davantage confrontés à des problèmes de santé : d'après l'étude, les ménages se situant dans les premiers 20% sur l'échelle des revenus présenteraient 25% de risques en plus de vivre dans des logements malsains.

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