Le conseil d'analyse économique (CAE) établit un diagnostic sévère de la situation des banlieues et des cités, estimant, dans un rapport rendu public mercredi, que la "ségrégation urbaine" mène à la "dislocation de la cité".

Organisme dépendant des services du Premier ministre et dont le rôle est d'éclairer les choix du gouvernement en matière de politique économique, le CAE estime que l'inégalité en matière de travail, d'école, de logement et des équipements collectifs "s'est durablement installée" dans les villes.

"La ségrégation urbaine, qui a déjà suscité de nombreux apports des sciences humaines, pose aussi question aux économistes", disent les auteurs, Jean-Paul Fitoussi et Eloi Laurent, de l'Observatoire français des conjonctures économiques, et Joël Maurice, du centre d'enseignement et de recherche en analyse socio-économique.

Ils estiment en effet que la ségrégation de nombreux quartiers "amoindrit l'efficacité du système économique", par "l'existence de forces productives inactives", et la nécessité, pour la société, de "prendre en charge les dysfonctionnements sociaux", par les moyens destinés à l'éducation, la protection privée ...

Les économistes jugent que les déséquilibres sociaux "se sont durablement installés" dans ces cités et ont enfermé leurs populations "dans une situation sans perspectives", où des salariés se trouvent au chômage aujourd'hui tout simplement parce qu'ils étaient au chômage hier.

Le fossé s'est creusé en quelques décennies entre banlieues et communes riches. Ainsi, en Ile-de-France, le revenu moyen des foyers fiscaux a fléchi de 3,5% (15% à La Courneuve ou Grigny) alors qu'il a augmenté de 6,9% dans les communes riches.
L'insuffisance des revenus freine la mobilité: la mobilité des plus pauvres est inférieure de 40% à celle de la moitié la plus aisée des ménages.

Les auteurs, qui soulignent que les immigrés souffrent d'autant plus de la situation de chômage qu'une "partie de l'opinion impute leur situation, non pas à leur position sociale, mais à leur origine", préconise d'améliorer la lutte contre les discriminations.

Il recommande le désenclavement des quartiers, en facilitant l'accès aux bassins d'emploi, pour étendre le marché du travail, en multipliant les transports collectifs, et l'organisation des taxis dans les zones urbaines sensibles.
L'emploi local doit être favorisé par le développement des commerces et services de proximité, et l'appui aux initiatives locales.

Concernant l'éducation et la formation, le rapport estime qu'il "serait catastrophique de renoncer aux zones d'éducation prioritaires", et "qu'il faudrait y affecter des moyens plus concentrés et plus adaptés".

Il préconise aussi de développer des zones "d'éducation universitaire prioritaire", citant l'exemple de Sciences-Po, qui a signé des conventions avec des lycées de quartiers populaires pour faciliter l'admission des jeunes de ces quartiers.

Le logement est enfin un "enjeu majeur de l'intégration sociale", disent les auteurs qui comptent sur le mouvement de décentralisation pour "traiter sous un jour nouveau" le désenclavement des quartiers.

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