A cause du nombre de centrales nucléaires à l'arrêt pour inspection, le gestionnaire du réseau électrique s'inquiète de la sécurité d'approvisionnement pour l'hiver 2016-2017, notamment en cas de vague de froid. Une aubaine que saisissent les professionnels du chauffage bois pour rappeler leurs avantages. Décryptage.

Ce n'est pas un bulletin d'alerte météo, mais RTE, le gestionnaire du réseau électrique est inquiet. Il annonce placer cette saison hivernale sous forte vigilance, en raison d'une ressource électronucléaire plus faible qu'à l'accoutumée, avec 18 réacteurs nucléaires soumis à des inspections entre la fin du mois d'octobre et la mi-janvier. Dans des termes choisis, il note : "La sécurité d'approvisionnement électrique de l'hiver 2016-2017 s'annonce plus délicate à assurer que lors des hivers précédents, en raison de l'indisponibilité de plusieurs sites de production".

 

Même si les capacités des énergies renouvelables ont régulièrement augmenté (+12 % en un an, avec 18 GW installés) et même si les connexions transfrontalières ont été renforcées (+30 % avec l'importation possible de 12,2 GW d'électricité depuis les pays voisins), RTE anticipe : "En cas de vagues de froid importantes et durables en dessous des normales de saison, [il] pourrait être amené à mettre en œuvre des solutions exceptionnelles pour préserver l'alimentation électrique des Français, le matin (8h-13h) et/ou le soir (18h-20h) des jours ouvrés". Pour l'heure, les capacités d'effacement des clients industriels prêts à réduire momentanément leur demande, ou à la différer, sont estimées à 3 GW. Mais RTE évoque également l'utilisation du dispositif d'interruptibilité, qui coupe l'électricité à 21 sites électro-intensifs volontaires. De quoi réduire les besoins nationaux de 1,5 GW. Dans un deuxième temps, le gestionnaire évoque un abaissement de 5 % de la tension, réduisant cette fois la consommation de 4 GW (soit l'équivalent de la consommation de Paris intra-muros et Marseille réunies). Ultime recours, en cas de déséquilibre extrême entre consommation et production, les délestages programmés, des coupures "momentanées et tournantes" qui permettraient de maintenir l'électricité pour le plus grand nombre.

 

"Moins il y aura d'électricité, plus on se collera à la cheminée", proverbe populaire

 

RTE rappelle des gestes simples aux consommateurs : démarrer les appareils de lavage (lave-linge, lave-vaisselle) aux heures creuses, abaisser la température des pièces de 1 à 2 °C en quittant son domicile ou, bien sûr, éteindre la lumière dans les pièces inoccupées. Mais la perspective peu réjouissante de retrouver un appartement froid donne des idées à certains. Notamment les professionnels du chauffage au bois, qui en profitent pour rappeler que les poêles et cheminées n'ont pas besoin de prise électrique. Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) rappelle que 8 millions de foyers disposent de tels appareils capables de faire baisser leur consommation de courant. D'autant que, sur les trois dernières années, le secteur du chauffage au bois n'a pas été à la fête, confronté à des prix bas du pétrole et à des conditions climatiques clémentes. Selon une étude Xerfi, le nombre d'équipements vendus a reculé de 30 % entre 2013 et 2016 pour passer sous les 363.000 unités. "Mais toutes les conditions sont désormais réunies pour une montée en puissance du marché", assure le cabinet de conseil qui estime que les ventes devraient progresser de nouveau au rythme de +5 % par an jusqu'en 2020.

 

Les spécialistes analysent les difficultés que rencontrent les professionnels du secteur, dont l'intensification de la concurrence : "D'abord, les grandes enseignes de bricolage (GSB) et les grossistes multimarques gagnent du terrain, tandis que la percée des appareils de marques étrangères se poursuit. Ainsi, plus de 40 % des appareils à bois vendus en France étaient importés en 2015, contre 22 % en 2010. De nouveaux acteurs, parmi lesquels certains fournisseurs d'énergie dont Total, pourraient également se positionner sur le segment porteur des pellets". Ils pointent ensuite une possible guerre des prix, afin de consolider les positions acquises, induisant des revenus annuels en faible croissance (+2 % pour les fabricants, +2,5 % pour les revendeurs) alors que les producteurs de combustibles bois afficheront une progression plus solide (+4 % par an).

 

Un défi pour les fabricants français : le virage du granulé

 

Le cabinet Xerfi estime que le succès des industriels dépendra "de leurs capacités d'investissement" afin de faire face aux contraintes réglementaires et au durcissement des standards de qualité. "Or, bon nombre d'équipementiers affiche des marges restreintes et certains ont même dû réduire leurs effectifs, à l'image de Cheminées Philippe, qui a licencié 140 salariés en mai 2016", note-t-il. Le nombre de sociétés devrait donc, toujours selon les experts, diminuer. "Pour rester dans la course, les opérateurs tricolores doivent opérer un virage stratégique inédit et repenser leur modèle d'affaires. Ce qui passe d'abord par un repositionnement sur les segments les plus porteurs, appareils à granulés en tête", assurent-ils. Les ventes de ces machines sont en effet passées de 10.000 unités en 2006 à plus de 100.000 dix ans plus tard. Les consommateurs seraient aujourd'hui à la recherche d'équipements innovants (y compris poly-combustibles), autonomes, compacts et modulaires, capables de s'adapter à leurs besoins, y compris en ville. Enfin, les analystes envisagent que l'offre de services devrait également augmenter avec la mise à disposition d'outils digitaux afin d'améliorer l'expérience client.

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