L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie a été passée au crible par la Cour des comptes qui juge son action "globalement satisfaisante" pour les nombreuses missions qui lui ont été confiées. Cependant, une attention particulière devra être apportée à l'évolution des moyens financiers de l'agence. Découvrez les bons et mauvais points décernés par la juridiction financière.

L'Ademe est un acteur incontournable de la transition écologique en cours. Cet établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) emploie plus de 1.100 agents et gère un budget annuel de plus de 500 M€. La Cour des comptes s'est donc penchée sur son mode de gestion, afin de discerner de possibles pistes d'amélioration. La synthèse du rapport d'une centaine de pages résume : "Au terme de ce contrôle, la Cour estime que l'Ademe parvient à assumer de façon globalement satisfaisante les nombreuses missions qui lui ont été progressivement déléguées par l'Etat". Les experts listent ces activités : principal opérateur de la transition à la suite du Grenelle de l'Environnement, acteur majeur du programme des investissements d'avenir (PIA), rôle dans la mise en œuvre des politiques publiques consacrées à la promotion du développement durable… Un satisfecit apprécié par Bruno Lechevin, le président de l'Ademe.

 

 

Le problème de la fonte des fonds

 

Toutefois, la copie n'est pas parfaite. La Cour des comptes estime qu'une "attention particulière doit être portée à l'évolution des moyens financiers de l'agence" et que cette dernière "doit accomplir des progrès sensibles" dans la gestion de ses ressources humaines, de ses implantations immobilières et des procédures mises en œuvre pour les achats publics. Sur le premier problème, les auteurs du rapport soulignent tout d'abord que le statut d'Epic apparaît peu justifié au regard du faible montant des recettes propres dégagées par l'Ademe, de l'ordre de 1 % de ses ressources. Autre remarque, sur la période étudiée, entre 2010 et 2015, "l'agence a bénéficié d'une aisance financière indéniable, malgré la suppression progressive, à partir de 2011, des subventions versées par le Ministère de l'Environnement". Le fonds de roulement se serait ainsi accru, de façon continue, jusqu'en 2014. Mais, une différence entre le montant des autorisations d'engagement décidées par sa tutelle (plus de 650 M€/an depuis 2013) et les crédits de paiement délégués à l'agence (seulement 500 M€/an), risque d'entraîner un "effet ciseau" qui se traduirait par une insuffisance de fonds à partir de 2017. Dans un courrier de réponse, Bruno Léchevin explique : "La situation passée comme actuelle du fonds de roulement résulte de choix de la tutelle, d'abord après le Grenelle, de doter l'Ademe des crédits de paiement (CP) parallèlement aux autorisations d'engagement (AE) qui conduisent à des dépenses ultérieures, puis, à partir de 2011, de ne pas allouer 'immédiatement' à l'Ademe les CP correspondant aux AE. Ceci conduit toujours logiquement à voir le fonds de roulement décroître. La tutelle s'est au demeurant toujours engagée à garantir les politiques portées par l'agence et à s'assurer que son équilibre financier soit préservé". Le rapport préconise plus de rigueur de la part de la tutelle et de l'Ademe.

 

Des implantations trop nombreuses

 

D'autre part, la Cour des comptes note des insuffisances dans divers domaines qui doivent "impérativement et rapidement" être améliorées. Dans le domaine des ressources humaines, elle relève que pour préserver un climat social apaisé, le temps de travail annuel d'une partie du personnel est nettement inférieur à la durée légale (1.513 heures contre 1.607, soit 6 % d'écart) et que les absences de 48 heures ne faisaient l'objet d'aucune justification. Le président de l'Ademe rétorque : "La direction, depuis plusieurs exercices, s'attache à faire évoluer la gestion des RH (…) Ces actions ont été conduites dans le cadre de la Convention de Travail datant de 1993, qui présente certaines rigidités ou mesures favorables aux salariés". Il plaide pour des évolutions qui doivent se faire dans un cadre négocié avec les partenaires sociaux. Sur le choix des projets, la Cour des comptes appelle l'agence à poursuivre ses efforts, "rationaliser la gestion des aides" et "intensifier les contrôles a priori et a posteriori" des opérations soutenues, notamment celles financées par le Fonds Chaleur. Elle recommande même de rechercher des complémentarités avec la Caisse des Dépôts et la Banque publique d'investissement pour les projets les plus importants.

 

Autre sujet de discorde : la stratégie immobilière de l'Ademe. Un précédent rapport lui préconisait de regrouper ses services centraux à Angers, d'abandonner le site de Valbonne (Alpes-Maritimes) et de ne laisser subsister qu'une antenne légère à Paris. La Cour des comptes remarque : "Malgré le regroupement de plusieurs régions intervenu cette année, l'Ademe n'envisage de fermer aucune délégation implantée dans les chefs-lieux des régions qui ont aujourd'hui disparu". Bruno Léchevin se défend : la fermeture du site azuréen, un temps considérée, a été abandonnée mais de substantielles économies y seront réalisées grâce à un réaménagement des locaux. Le site parisien sera déménagé à la mi-2018, là encore pour réaliser des économies et rejoindre un site plus exemplaire au point de vue environnemental. Quant aux délégations régionales, le président de l'agence plaide pour le maintien d'une proximité avec les acteurs des territoires (collectivités, entreprises).

 

 

Les achats professionnalisés seulement depuis 2016

 

Enfin, dernière défaillance pointée par la Cour des comptes, la gestion des marchés passés par l'Ademe, qui serait désorganisée et trop faiblement centralisée, pénalisée par un mauvais système d'information. Le rapport demande cette fois que la fonction "Achats" soit réorganisée avant la fin du premier semestre 2017 "pour garantir le respect des règles de la commande publique et assurer un suivi régulier". Une remarque qui fait dire à Bruno Léchevin : "Les lacunes relevées (…) ont été comblées avec la centralisation des achats de fonctionnement (…) aujourd'hui pleinement effective". L'outil a ainsi été modernisé à compter de 2012-2013 et totalement opérationnel en 2016. "Ces progrès amélioreront indéniablement le pilotage et le suivi des achats de l'agence", assure-t-il. De quoi satisfaire les exigences de la juridiction financière ?

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