RÉACTION. Plusieurs acteurs ont pris la parole afin de convaincre les pouvoirs publics de renforcer la qualité des logements à l'occasion du plan de relance à venir.

Une crise est toujours une possibilité offerte par le sort à changer nos habitudes et revoir les priorités. Et, au vu de celle induite par l'épidémie de covid-19, de nombreuses voix s'élèvent dans le secteur de la construction, notamment du côté de la maîtrise d'œuvre, pour imaginer un BTP de demain qui serait plus vertueux. "Nous sommes devant un choix stratégique : ou nous faisons comme avant, ou bien nous traitons le problème à sa racine, en réfléchissant à ce qui a pu nous amener à une telle situation", observe ainsi Jean Leroy, de Cinov territoires et environnement, interrogé par Batiactu. Ce faisant, il faudrait orienter le plan de relance à venir à des dimensions qui ne concerneraient pas stricto sensu la reprise économique, mais aussi l'environnement. "Avant cette crise, nous étions en passe de ne pas atteindre les objectifs climatiques", rappelle Jean Leroy. "Nous sommes en retard sur les bilan carbone, les bilans énergétiques : nous devons a minima respecter ces règles !"


"Lors des situations de crises, nous commettons souvent des erreurs"

 

Le message est proche du côté de Qualitel, pour qui le plan de relance devra être adossé à une politique de labels ambitieuse. C'est, d'après Antoine Desbarrières, directeur de l'association, l'une des leçons à retenir des crises précédentes. "Lors des situations de crises, nous commettons souvent des erreurs importantes dans la conception des logements, et cela se ressent sur leur qualité d'usage dans les décennies qui suivent, comme le montre notre baromètre Qualitel", assure-t-il auprès de Batiactu. Seule exception : la crise de 2008, dont la relance a été visiblement plus vertueuse car adossée à des labels de type BBC. "Si l'État instaure des mesures incitatives, qu'elles soient liées à des exigences de qualité : saisissons cette opportunité, avançons sur des sujets où nous n'allions pas assez vite", propose-t-il. "Les enjeux sont nombreux : confort intérieur, qualité de l'air, économique circulaire, relocalisation de la production..." Le confinement et le télétravail massif imposé ont rappelé, ajoute-t-il, à quel point la question de l'espace dans le logement était primordiale. Prenant l'exemple de la hauteur sous plafond dans les logements collectifs, qui diminue visiblement d'année en année. "En collectif c'est un vrai sujet, puisqu'il faut respecter des PLU parfois très contraignants, qui font que remonter de 10 cm en hauteur vous fait perdre un étage et menace l'équilibre économique de l'opération", explique Antoine Desbarrières. La réécriture de certains PLU serait ainsi un passage obligé.

 

 

Le rôle des territoires ne doit pas être négligé dans cette transition, et pour Jean Leroy (Cinov), certains d'entre eux ne seraient pas adaptés au changement à venir. "Les organisations ne sont pas prêtes, ils faut les aider à se mettre en place, y compris en les aidant financièrement", nous explique-t-il. "Et n'oublions pas que nous aurons aussi besoin d'une assistance à la maîtrise d'ouvrage indépendante et bien rémunérée, plutôt que de marchés globaux où l'AMO se retrouve en deuxième rang de sous-traitance."

 

"L'habitat ne peut plus être considéré comme un produit économique", Christine Leconte

 

Avant de donner une longue interview à Batiactu, la présidente du conseil régionale de l'ordre des architectes d'Île-de-France (Croaif), Christine Leconte, avait publié une tribune sur le site Métropolitiques. Elle y affirmait notamment que le secteur de la construction était à totalement repenser. "Il faut se questionner sur le modèle économique de la production du logement, de nos entreprises, ou sur la gestion du foncier. [...] La crise actuelle questionne nos choix d'aménagement du territoire : pollution, réchauffement climatique, imperméabilisation des sols…" L'architecte en appelle également à "lâcher le gaspillage des ressources, limiter l'impact de l'urbanisation sur nos terres nourricières, réhabiliter plutôt que de construire".

 

Le confinement a également rappelé l'importance de la dignité des logements. "L'inadaptation criante d'une partie du parc est révélée par la crise", observe-t-elle. "L'habitat ne peut plus être considéré comme un produit économique, une statistique, une répartition typologique. C'est le fondement même de nos existences."

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