Après l'Acropole à Athènes, Sainte-Sophie à Istanbul et le Taj Mahal en Inde, il faudra maintenant ajouter les trottoirs d'Achkhabad à la liste des monuments emblématiques réalisés en marbre blanc. La capitale turkmène vient de recevoir le titre de ville abritant le plus grand nombre de bâtiments recouverts de cette pierre, synonyme de luxe.

Rien n'est trop beau pour Achkhabad (ou Achgabat), la capitale du Turkménistan, cette ancienne république soviétique d'Asie centrale. Par la volonté de ses deux présidents successifs, Saparmourat Niazov (décédé en 2006) et Gourgangouly Berdymoukhamedov, la ville champignon d'un million d'âmes, posée en plein désert, s'est couverte de marbre blanc. Afin de remplacer les bâtiments en briques, hérités de l'ère communiste, de nouvelles constructions financées par les revenus du gaz naturel ont fleuri un peu partout. A tel point que, toujours à la recherche d'une reconnaissance internationale, la ville vient d'être désignée comme ayant la plus haute densité de bâtiments en marbre blanc par le comité du Guinness des Records… A ce jour, "543 bâtiments sont revêtus de marbre blanc, pour une superficie totale de 4,514 millions de m²", précise Craig Glenday, éditeur du livre. Sur ordre du président Berdymoukhamedov, un ex-dentiste de 55 ans, même les bordures des trottoirs sont peu à peu remplacées par du marbre.

 

La manne gazière profite aux groupes de BTP
Achkhabad
Achkhabad © Jim Fitzgerald - Wikimedia
Peut-être cette folie des grandeurs est-elle dictée en fait par la météorologie d'Achkhabad ? Son climat aride fait souvent monter les températures estivales au-dessus de 40 °C pour de longues périodes. La couleur blanche des bâtiments permettrait notamment de renvoyer une grande partie des rayonnements solaires et d'éviter l'accumulation de chaleur. Le marbre présente également une forte sensation de froid lorsqu'on le touche, bien qu'il soit à température ambiante : un phénomène lié à sa forte effusivité thermique (échange de chaleur facilité).

 

Mais l'explication la plus probable reste cependant un engouement mégalomaniaque pour la démesure et le luxe. Déjà par le passé, la ville s'était illustrée par l'acquisition de records fantaisistes, telle que l'inauguration de la plus grand roue à parois vitrées du monde (95 mètres), celui de la plus grande structure en forme d'étoile pour la tour de télévision (211 mètres), ou celui du plus haut mât de drapeau (133 mètres). "Nous utilisons les recettes des exportations du gaz pour améliorer la qualité de vie de notre peuple", explique Gourgangouly Berdymoukhamedov. Une manne qui profite surtout aux groupes de BTP comme Bouygues ou Vinci, et le turc Polimeks. Selon Jean-Baptiste Jeangène Vilmet, philosophe et juriste passé par l'ambassade française à Achkhabad : "Entre 1994 et 2010, Bouygues a réalisé une cinquantaine d'ouvrages pour un montant de 2 milliards d'euros", explique-t-il dans son livre "Turkménistan" (ed. Non Lieu, Paris). De son côté, le groupe turc aurait signé d'importants contrats pour la construction du Monument de la Constitution, le Palais du Bonheur, la tour de télévision, un complexe sportif ou le nouvel aéroport. Mais les pistes seront-elles parées de marbre et balisées d'or, telle est la question.

 

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