RETOUR D'EXPÉRIENCE. Depuis 2016, l'Eurométropole de Strasbourg tente d'extraire des dizaines de logements de leur inoccupation, en proposant des dispositifs de subvention, de conventionnements et de gestion locative au service des ménages les plus modestes.

"Au début, je souhaitais seulement acheter le bas de l'immeuble", se remémore Raphaël Reppel, concessionnaire pour équipements de restauration. D'un local en rez-de-chaussée destiné à y abriter une boulangerie, Raphaël Reppel se retrouve finalement avec trois logements dans le quartier de Cronembourg, au nord-ouest de Strasbourg. "J'ai eu droit à un petit forcing de l'ancien propriétaire...acheter la partie haute était le prix de la tranquillité", plaisante-t-il.

 

La sérénité sera de courte durée. S'il a l'âme d'un agent immobilier avec sa SCI et sa petite trentaine de logements, Raphaël Reppel doit désormais s'atteler à la rénovation de 150 m² repartis dans trois habitations très dégradées. "Il a fallu faire un ravalement de façades, des travaux de gros oeuvre, la reprise en toiture", énumère le propriétaire en même temps que le nombre de zéro s'allonge.

 

Facture totale: 120.000 euros, pour des logements désertés pendant plus de cinq ans. Ils faisaient partie des 3.400 logements durablement vacants recensés par l'Eurométropole de Strasbourg, dont 2.200 se situent à Strasbourg même. En 2016, la collectivité lance le programme "Mieux relouer mon logement vacant", et espère sortir plusieurs centaines de logements de leur sommeil, en ciblant les principaux freins à la relocation.

 

Façade avant travaux
Façade avant travaux © Raphaël Reppel

 

Articuler la lutte contre la vacances avec "Logement d'abord"

 

A grand renfort de recensements, de questionnaires et d'entretiens, l'Eurométropole de Strasbourg arrive à la conclusion que "le propriétaire qui laisse son logement vacant est plutôt âgé, a acheté un logement pour un investissement locatif en vue d'avoir une épargne à la retraite", portraiture Syamak Agha Babaei, vice-président de l'Eurométropole en charge du logement.

 

Pour celui qui préside le Réseau national des collectivités mobilisées contre les logements vacants (RNCLV), "une mésaventure locative", "la complexité de l'accès aux aides" ou la découragement "à chercher des entreprises pour rafraîchir son bien" sont autant de points de blocage pour les propriétaires, au point de laisser leur logement vacant.

 

Logement après travaux
Logement après travaux © Raphaël Reppel

 

Ces freins ont pourtant été les solutions amenées par la collectivité pour redresser les statistiques du marché locatif, tout en articulant ces logements avec une démarche d'habitat abordable ou le plan national "Logement d'abord".

 

Pas de gains énergétiques, pas de subventions

 

En conventionnant ses trois logements, Raphaël Reppel a obtenu une subvention de l'ordre de 46.000 euros pour financer ses travaux, tout en admettant "une phase administrative très lourde" et une rénovation "longue et compliquée". S'improvisant en guichet unique, l'Eurométropole de Strasbourg a signé des partenariats avec des institutions bancaires comme le Crédit coopératif pour le volet du financement, ainsi que des agences d'intermédiation locative. La collectivité a également mis en place un référencement d'une cinquantaine d'entreprises, "qui s'engagent sur un bouquet de travaux et de prix", précise Syamak Agha Babaei.

 

Car louer à un loyer modéré n'implique pas nécessairement de faire l'économie de travaux. "Je fais les travaux comme si je les faisais pour moi. C'est une fausse économie de mettre un balatum à la place du carrelage", illustre-t-il. D'autant que la collectivité et l'Agence nationale de l'habitat (Anah) disent veiller au grain: "nous avons des critères très stricts, et n'attribuons pas de financements si nous considérons que les travaux n'engendrent pas de gains énergétiques réels".

 

Logement après travaux
Logement après travaux © Raphaël Reppel

 

"Ceux qui font vivre la ville ont de plus en plus de mal à s'y loger"

 

Depuis le lancement du dispositif, 230 logements ont réintégré le circuit locatif. L'Eurométropole de Strasbourg se fixe un objectif annuel de 100 logements, même si elle oscille actuellement à "70, 80 logements", indique son vice-président au logement, "mais nous préférons rester à ces objectifs, car c'est un terrain à reconquérir de proche en proche".

 

Alors que le gouvernement plaide ouvertement pour l'optimisation du bâti existant, "le parc privé doit être envisagé comme un moyen de faire baisser la pression sur le logement en métropoles, car le logement social ne peut pas tout faire", philosophe Syamak Agha Babaei. Une question qui risque de se poser à d'autres métropoles "où ceux qui font vivre la ville ont de plus en plus de mal à s'y loger".

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