CULTURE. Dans le nord de la France, une exposition explore les liens entre architecture, fête et transgression sociale. Elle s'intéresse aux formes éphémères et alternatives, conçues comme des lieux de liberté.
À Lille, l'architecture se dévoile autrement, le temps d'un été. Au Bazaar St So, le centre d'architecture et d'urbanisme Waao et ses commissaires associés et scénographes, Georgi Stanishev et Gilles Delalex, présentent L'envers de la fête. Jusqu'au 7 septembre 2025, cette exposition explore les dimensions politiques, sociales et architecturales de la fête, une pratique révélant des espaces de transformation sociale et servant de refuge à des communautés marginalisées.
"L'exposition interroge l'architecture et l'urbanisme, des disciplines qui ont besoin de s'ouvrir au grand public", affirme Benoît Garet, responsable du Bazaar St So, lors d'une visite le 4 juillet. Mieux, l'installation, pluridisciplinaire, fait naître des "réflexions" sur la transmission de la culture architecturale, paysagère et urbaine, souligne Frédérique Delfanne, présidente du Waao. Elle s'inscrit dans la dynamique de Fiesta Lille 3000, une manifestation culturelle tenue jusqu'au 9 novembre dans la métropole.
Des œuvres réjouissantes
Des photographies de Rebecca Topakian et Julie Hascoët, des peintures de Thomas Lévy-Lasne et des œuvres architecturales occupent l'espace d'exposition du Bazaar St So. Au sol, des confettis ont été capturés dans des morceaux de béton. Ils racontent des fragments de célébration et jouent avec les souvenirs des visiteurs.
Plus loin, une cartographie recense des sites abandonnés dans la campagne italienne. Une vidéo enregistrée par Maud Jeffrey s'intéresse, quant à elle, à la manière dont on investit des lieux et dont on détourne leurs usages. Un échafaudage renvoie au sujet des friches industrielles et de la réhabilitation de l'existant.

Ball Theater [voir photo de Une], conçue par Studio Muoto, Georgi Stanishev et Clémence La Sagna en 2023, reste l'œuvre la plus réjouissante et impressionnante. Cette installation immersive et expérimentale "réveille nos désirs d'utopie", estime Georgi Stanishev. Pensée pour le pavillon français de la Biennale d'architecture de Venise en 2023, "sa forme hémisphérique évoque à la fois un globe terrestre et une boule à facettes, symboles d'un monde en quête de renouveau et de célébration".
Construite avec un minimum de matière et dotée de gradins modulables et démontables, la structure a accueilli des événements tenus par des artistes, des étudiants et des chercheurs. Pour l'exposition lilloise, elle servira d'espace d'échange et de débat. "Dans un monde en transition, ces espaces de fête permettent de déroger aux règles de manière secrète, pacifique et engagée", sourit Faustine Horgnies, responsable actions pédagogiques au Waao.
Discrète et éphémère
Pour Léonie Debrabandère, directrice du Waao, L'envers de la fête "questionne le territoire" et promeut des architectures éphémères. "Elle porte sur les coulisses de la fête, quand celle-ci se prépare ou est déjà terminée. C'est une forme d'architecture que l'on retrouve aussi bien dans les théâtres, les discothèques et les grands festivals en plein-air", indique Georgi Stanishev. Elle met en scène des architectures alternatives et des acteurs du secteur (scénographe, éclairagiste, etc.).

"L'architecture et la fête entretiennent un lien très fort, assure Gilles Delalex. La singularité de cette architecture tient au fait qu'elle ne perpétue pas des relations de pouvoir, comme la plupart de nos bâtiments, mais fabrique des espaces de liberté. Cette architecture est discrète, d'une part parce qu'elle est éphémère, et d'autre part parce que sa vocation est de s'effacer au profit de l'événement."
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Gratuit
Bazaar St So - 292, rue Camille Guérin, Lille